EN DESCENDANT le BOULEVARD : 6ème balade.

Bonjour Vous Tous! Prêts pour un nouveau « voyage à contre courant »? Alors, suivez-moi. Nous n’allons pas « faire le boulevard ». Je vous propose, aujourd’hui, pour notre plus grand plaisir je l’espère, un petit détour par la rue Manuel ANDREU.

Laissons le Café REYNE aux joueurs de belote. Quittons le boulevard. Tournons à droite. Nous sommes dans la rue Manuel ANDREU. Voici la fenêtre du bar. La porte d’entrée suivante est celle de l’appartement de la famille CARREGA, parents de Jean Claude et de Françoise. Le grand portail en bois percé d’une petite porte est celui de notre cour commune. Puis, l’atelier de Juanico SOLER, notre cordonnier, à qui nous allons rendre visite. Aïe! Nous allons avoir un petit contre-temps. Les gosses du quartier: André PALOMO, Dany ESTÈVE, Aimé UBEDA, Yves SANCHEZ, Antoine et Armand MONTERO et d’autres gamins dont le nom m’échappe, arrivent un ballon dans les mains. Il faut vous dire que peu de voitures empruntent les rues adjacentes au boulevard. Les villageois circulant le plus souvent à pied, la rue est alors le prolongement de la cour de l’école et les enfants l’occupent sans problème. Mais revenons à nos petits squatters. La rue est pour eux un magnifique terrain. Voyez! Ils vont entamer une partie de foot. Observez les préliminaires employés pour la mise en route du jeu. Vous souvenez-vous du rituel? Les deux capitaines se placent face à face. Un mètre environ les sépare. Attention, c’est sérieux! Pied droit, devant pied gauche. Au signal, le capitaine passe son pied gauche devant le droit en criant « PUNTA ». L’autre capitaine fait de même en annonçant: « SOCA ». Pas d’ intervalle entre la pointe du pied et le talon, s’il vous plaît! On ne triche pas! Et, de « punta à soca », les pieds des deux joueurs se rencontrent. Celui dont la pointe montera sur le pied de l’adversaire aura le droit de choisir le premier joueur. Ah! Je vous donne le sens de ces deux mots: « PUNTA : la pointe bien sûr et « SOCA »: la souche, le pied à plat. Des pierres marquent les buts. Le match peut commencer. Tient! Aujourd’hui, le ballon de foot, qui gît dans la rigole, n’est qu’une grosse boule de chiffons qui ne résistera pas aux coups de pieds des uns et des autres! Le ballon en caoutchouc a dû atterrir dans un jardin ou sur un toit. Il réapparaîtra, c’est sûr. En attendant, nos champions vont se contenter d’une balle de chiffons. Ça risque de créer des tensions entre les deux équipes, et d’entraîner quelques échanges verbaux. Il vaut mieux nous réfugier chez Junico SOLER,le cordonnier de la rue, dont voici l’échoppe. Juanico SOLER est là, au milieu de paires de chaussures à réparer ou déjà réparées. Un amoncellement de souliers qui m’a toujours laissée perplexe: comment retrouver les miens au milieu de ce « tas »? Moi, je renonçais! Mais d’un simple coup d’œil l’expert en ressemelage me l’indiquait d’un doigt sans une parole. C’est qu’il n’est pas bavard notre cordonnier! Il faut que je vous dise que Juanico SOLER n’a qu’une jambe! Aussi le rangement se fait lorsque son travail est fini, et qu’il se tient debout aidé de sa béquille. Laissons l’odeur de colle et de cuir et aventurons-nous dans la rue. La partie de foot a pris fin. Qu’est-ce que je vous avez dit? Le « ballon » est là, éventré, des chiffons partout, qu’ André, l’instigateur du jeu, ramasse en râlant. Les voilà partis Dieu sait où! La rue étant momentanément déserte, regardez ce tracé! Vous avez-là le circuit du Tour de FRANCE imaginé par André et ses copains. Approchez! Voici donc, la case DEPART. Le circuit a été dessiné avec un gros bout de plâtre tombé d’ un quelconque mur, morceau que l’on garde au fond des poches. La craie, c’est pour l’ardoise à l’école, voyons! Vous imaginez la quantité de craie pour un tracé pareil! Je continue. Vous souvenez-vous des règles de ce jeu? Jeu réservé aux garçons, cela va sans dire! Une case-départ, des étapes et des cyclistes représentés par des capsules de bière BAO ou de COCA COLA que l’on faisait avancer d’une pichenette mot déformé allègrement en « pichinette »(encore une fantaisie de notre parler local). En fait, une chiquenaude! En entendant ce mot si peu familier, je suis sûre que notre ami Yves, gardien de nos expressions locales, me dirait d’ un air moqueur: « Anda hija! Marcaté una habichuela! ». Je ferme la parenthèse. Il fallait réussir un tir très précis pour éviter d’ envoyer notre équipier dans le décor. Et d’étape en étape, il nous fallait atteindre la case ARRIVÉE. Ai-je été assez claire? Bon! Je continue. Heu! Et bien… Je ne me souviens plus comment faire pour « doubler » un « cycliste-capsule ». L’éjecter hors circuit? Lui passer par dessus?….. Je ne sais plus! A vous les garçons, prenez la relève!!!!!

Laissons les « cyclistes »en rade sur le bord de la « route » et continuons notre remontée dans le temps. En face de vous, le mur du jardin de la villa de Camille RICO. Nous sommes maintenant devant les trois marches d’ accès à l’appartement de Jeanine, une autre de nos voisines dont la petite fille, une rouquine criblée de taches de rousseur, nous regarde passer. Nous voici arrivés dans la cour d’Alejandro PALOMO, père d’Alexandre, de Louis et d’André. Au fond, à gauche, la forge. A côté, un tas de bois. Puis la treille qui court le long du mur. Tout près, la grande volière où chardonnerets, verdiers, tourterelles et alouettes cohabitent à grand renfort de gazouillis, et de chants. André m’a avoué être chargé de la peupler. Il m’a raconté comment il s’en allait avec un de ses copains, du côté de la voie ferrée, avec dans une main, deux cages. La première occupée par le « RÉCLAMO », un appeau naturel en quelque sorte. En fait, un traître qui devait attirer ses congénères. La seconde, vide pour l’instant, était réservée aux futures victimes. Dans l’autre main, la boite de conserve munie d’une anse, faite d’un simple fil de fer, qui contenait la glu obtenue en faisant fondre une vieille semelle crêpe sur les braises de la forge. S’ajoutaient à cet attirail, 3 morceaux de roseaux enduits de glu. L’endroit choisi, les roseaux déposés, le « réclamo » placé, nos compères se cachaient plus loin. Mais l’astuce ne s’arrêtait pas là. En soufflant dans le creux de la main, ils imitaient les cris des chardonnerets. Le réclamo , l’oiseau-traite malgré lui, entrait alors en scène donnant de la voix, attirant ainsi les chardonnerets du coin. Les malheureux accouraient à tire-d’aile, se prenaient dans la glu. André n’avait plus qu’ à les récupérer, débarrasser leurs pattes de la colle tenace en les frottant avec de la terre ou du sable, et les emprisonner dans la cage vide. Cinq ou six petites bêtes venaient alors rejoindre les chanteurs de la volière. Un fin chasseur notre André! Attendez! Ce n’est pas tout! En automne, la chasse était différente. Là, pas de glu, mais des fourmis d’ailes, des fourmis ailées pour être plus correcte. Encore notre « patois »! Notre TARTARIN SALADÉEN, partait à la chasse à 4 heures du matin. Pas de lion au programme mais des étourneaux! Notre ami plaçait quelques 40 pièges où s’agitaient nos fourmis d’ailes. Les étourneaux s’y laissaient prendre. Le sac de toile qui lui servait de carnassière bien rempli, il ramenait fièrement son butin à grand-mère PALOMO qui les plumait et les préparait pour la grillade du soir. Je ne vous raconterai pas la troisième méthode de chasse de ce coquin d’ André. J’aurai, j’en suis sûre, des problèmes avec une certaine association. J’entends des reproches? Pas de jugements hâtifs, s’il vous plaît! André n’était pas le seul garçon-chasseur du village, c’était une pratique courante chez les jeunes …..avant de tenir un fusil, la chasse étant une activité très prisée chez les Saladéens. Mais revenons à la forge. Des chevaux sont parqués attendant d’être ferrés. D’après les dires d’ André, et je veux bien le croire, ce n’était pas chose facile, de mettre un fer au sabot d’un cheval! Il fallait d’abord l’immobiliser. Les fils aînés venaient alors à la rescousse. Bien souvent, la bête affolée essayait de mordre: une muselière s’imposait. D’autrefois, M. PALOMO lui bloquait les mâchoires avec une barre de fer, ou lui tordait l’oreille en s’aidant d’ un bâton. Apparemment, la méthode était efficace et le calme revenait dans la forge. Je n’irai pas plus loin dans les confidences d’ André. D’ailleurs, il crapahute dans la cour avec son copain Jean Claude, passant en chahutant devant les fenêtres qui donne dans la cour de la maison de Nicole KLEIN. Un autre fait marquant dans cette forge: le jour de marché au village. Les habitants des douars environnants arrivaient en carriole chez le pajero , avec femmes et jeunes enfants emmaillotés dans la « fouta » sur le dos de leur mère. Après les « salamalecs » d’usage, les femmes se regroupaient autour de l’ abuela PALOMO, discutant cuisine ou faits du jour tantôt en espagnol tantôt en arabe, parfois en français. Tandis que les hommes, couffins d’alfa sous le bras, partaient au marché. Douce époque!!! Continuons notre promenade. En face, le couloir menant chez Jeanine et Dany ESTÈVE, et dans la même cour, chez Aimé UBEDA. A côté, la maison de Vincent, Hermance, et Marcelle ROSELLO. Sur le toit-terrasse, son lieu de prédilection, Marc, l’aîné d’Hermance et d’ André PEREZ, venu voir sa grand-mère joue tranquillement avec les jeux offerts par tonton Vincent. J’ai mené ma petite enquête! Qu’est-ce que vous croyez! Tout à l’heure arriveront Marcel BELTRAN et Richard SANCHEZ. Ils joueront avec Marc, dans le jardin derrière la maison. Nous passons actuellement devant le couloir d’ entrée d‘Henriette SANCHEZ, la tante de Jeanine, d’Yves et de Richard SANCHEZ. Vous vous souvenez d’Henriette SANCHEZ? Une dame-choriste qui faisait partie de la chorale de M. le Curé. Laissons la rue Manuel ANDREU. Tournons à droite. Nous voici dans la rue Agnel BERNARD, du nom d’un des maires de Rio. Là, je dois vous avouer que je patauge un peu. Je crois que nous arrivons devant un magasin qui fut l’épicerie de Mme ESCUDERO, avant son déménager au boulevard national. En face sur le balcon, Thierry et Marie Jeanne TROUIN, ont l’air d’attendre quelqu’un. Avançons un peu, voici la porte d’entrée de la maison de Jeanine et Yves SANCHEZ. Traversons la chaussée. Voici la cour et la maison de M. MONTERO. Elle fut construite dans les années 30. Je ne peux vous en dire plus. Arlette et Valérie, les filles aînées, sont à la maison, Antoine et Armand vont rejoindre leurs copains pour une nouvelle partie de foot. Les cigognes sont revenues sur le toit de la buanderie située sur la terrasse. M. MONTERO me racontait que, plus d’ une fois, il était obligé de remettre dans le nid, un cigogneau imprudent, incapable de reprendre son envol. Il est vrai que les cigognes avaient l’habitude de nicher sur les cheminées du toit de la mairie jusqu’au jour où la municipalité fit placer dessus des cercles de fer. Le clocher de la vieille église leur fut aussi condamné ainsi que le clocheton de la vieille école. Alors ces malheureuses ont trouvé refuge sur le toit de la buanderie et même…. sur un pylône électrique près du jardin public. Je vous entends, vous les septiques: « Un pylône ? Baya Bola!». Allez vérifier dans l’album-photo à la fin de ce texte!.. Après cet intermède, regardez en face. Voici la boucherie de M. MANRIQUÉ Antoine. Puis le portail donnant dans une cour commune. Une mise au point s’impose. Nous avons laissé le boulevard national. Comme nous avons ces jours-ci  » PORTES-OUVERTES à RIO« , je voulais vous faire connaître l’ébénisterie de M. SAHEL. Je la situe en face de la vieille école de filles. Ça y est vous y êtes? Alors, Vous, « promeneurs » qui me suivez dans ce flash-back, allons jusqu’au bout de la rue et tournons à gauche: rue Maréchal FOCH en direction de la vieille école. Arrêtons-nous quelques instants sur les marches de la maison de grand-mère MARZULLO. Voici Henri qui revient d’un entraînement. Henri MARZULLO! Ce nom ne vous dit rien? Henri, est un des hommes de base de l’ ORANIE aux championnats d’ ALGERIE haltérophiles. C’est M. Gaston CERNA qui l’entraîne pour ces concours. Dédé ,son jeune frère, suit son exemple. Libérons le passage aux athlètes et allons nous installer au bar tout près. Le bar de M. MACIA (Le 7ème, n’est-ce pas ami René?). Je vous propose d’aller faire un tour dans la boulangerie qui jouxte le bar: celle de Mme JUAN. Les enfants de notre boulangère, Emile, Christian et le petit dernier dont j’ai oublié le nom, reviennent de l’école. Il y a dans la boulangerie MACIA, entre autres pains, des « longuets« , que je vous conseille de grignoter. Ces longuets, quel régal! Et je me demande pourquoi! En fait, plus fins qu’une ficelle de pain ordinaire, de l’épaisseur d’ un doigt plus exactement, ils craquent sous la dent. On les mange sans faim. Pour le plaisir de croquer du pain frais! Allons les déguster au bar de M. MACIA. Nous ne pourrons aller plus loin, la journée est trop avancée. Mais promis, je vous conduirai chez M. SAHEL pour admirer le travail de son ouvrier: M. DANER.

10 réflexions sur « EN DESCENDANT le BOULEVARD : 6ème balade. »

    1. Merci Jean Paul! Jacques m’avait bien dit qu’il manquait quelque chose dans cette préparation, mais cela fait si longtemps qu’ il ne traque plus les oiseaux , qu’il avait oublié l’ingrédient: le morceau de résine de chez M. Tissinier qu’il fallait concasser à coups de marteau et faire fondre en même temps que le caoutchouc. Merci encore, À nous tous, nous arriverons à faire revivre RIO dans ses moindres détails. Amitiés saladénnes.

      1. Bonsoir Jadette et Jean Paul.
        A Rio, je ne connaissais pas la glu mais « l’imbisqué » (« on va imbisquer » : verbe du 1er groupe (université du Messada)). J’en avais la recette et à défaut de crêpe, je brûlais une chambre à air rouge (et pas noire) avec bien sûr cette fameuse résine. Moi je l’achetais chez Henri Touati. Je ne vous dis pas comment on éteignait la combustion du caoutchouc (ou du crêpe). Je sais que vous le savez.
        Amitiés
        René Cardona

        1. Bonjour, René.
          Ton apparition dans les commentaires ne m’étonne pas : dès qu’on parle de pêche ou de chasse, on voit pointer le bout de ton nez.
          Ton commentaire est plein d’interrogations :
          – quelle est l’origine du mot « imbisqué » (la glu en français de France)?
          – qu’est-ce que cette résine qu’on achetait chez Tissinié ou (plus exactement) chez Henri Touati?
          – quelle est la méthode pour mener cette résine à son point d’ébullition?
          A toi de soulever le voile. Ou à d’autres peut-être?

  1. Ma chère Jadette,quelle incroyable mémoire…..et quel talent de conteuse,on s’y croirait !! J’attends la suite.
    Merci pour ces souvenirs que tu fais remonter.
    Je t’embrasse
    Nadia Cerna

  2. Toute une stratégie pour attraper ces oiseaux (chardonnerets, verdiers, serins, etc…). D’abord le choix du « réclamo », du lieu de « chasse », de la confection de la glu, des brindilles à engluer (il me semble que c’était de l’alfa?), du « nettoyage » de l’animal englué… J’en passe et des meilleures.
    Tout était basé sur des stratégies :
    Comment faire un cerf-volant?
    Comment faire un « carico »?
    Comment jouer au foot sans ballon de foot?

    La liste est longue bien sûr.

    1. Tu sembles penser, Joseph, qu’il s’agit d’alfa plutôt que de roseau, Cette activité nous étant interdite, nous étions condamnées, nous les filles, à chasser seulement la poussière, je ne peux trancher. Alors , je demande l’avis des spécialistes, alfa ou roseau? Merci .

  3. Jadette,Jo a raison.De l’alfa bien sûr, avec les roseaux on faisait les cañarons. Les méthodes de chasse n’étaient peut-être pas les mêmes à Rio qu’à Turgot. Fabrication de l’imbisqué : avec de la chambre à air, pas du crêpe (quand tu trouvais un soulier, il n’avait plus de semelle), de la résine ce n’était pas obligatoire mais ça permettait de la garder plus longtemps fluide et, comme on n’avait pas ni Tissinié ni Dorandeu, on lui chipait au paternel à la cave. Et puis, on n’avait pas besoin de réclamo: on choisissait une rigole (bien entendu avec les rebords assez propres) aux jardins chez Font ou chez Starck et, sur le coup de 14 heures, quand il faisait bien caña, on plaçait les brins d’alfa, « 30 à 40 cm pointes coupées »,englués et entrecroisés et on attendait quelques mètres plus loin cachés. Chaque prise était immédiatement nettoyée avec un coton et un peu d’essence (surtout pas trop), rincée à l’eau et en cage. Voilà l’après-midi d’un triguero de 10 à 12 ans, transmis de père en fils.

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