Préambule :
Histoire de la maquette de l’église de Rio, réalisée par F. LAROZA.
Ou comment cette maquette est sortie de l’ombre.
Le bureau de l’Amicale du Rio Salado était en réunion. Nous devions préparer notre rassemblement de Pentecôte. Auparavant, nous devions rendre compte de notre entrevue avec le Président du Centre de Documentation Historique sur l’Algérie (CDHA) au sujet d’une éventuelle maquette représentant un endroit de notre village cher aux Saladéens (la place du village, haut lieu de tous les faits marquants de notre communauté) qui serait placée dans la salle d’exposition du CDHA. La réalisation s’avérant hors de prix, nous pensions abandonner le projet lorsque Gérard LAMBERT nous parla de la maquette de l’église de Rio réalisée par François LAROZA. L’idée nous enchanta. Il nous suffisait d’aller exposer le projet à M. PEREZ, président du C.DHA. Comme le lundi, nous devions, Jacques et moi, nous rendre, sur son invitation, à la faculté de médecine de Montpellier, assister à l’inauguration d’une exposition sur les Médecins de la colonisation de 1830 à 1962 en Algérie , nous en avons profité pour lui parler de la maquette. L’affaire étant en bonne voie. Danielle LONG- RODRIGUEZ, présente au CDHA en tant que bénévole, prit la relève, fixant les rendez-vous entre M. PEREZ et notre président E.REYNE.
Grâce à la bonne volonté de Gérard et Monique LAMBERT, qui allèrent chercher la maquette dans le Lot, nous avons pu l’admirer lors de notre rassemblement de Pentecôte.
L’interview de François LAROZA :
J’ai voulu en apprendre davantage, afin de vous faire connaître cette œuvre d’art. Le mot n’est par fort, loin de là. J’ai donc pris contact avec François.
Alors nous t’écoutons
François. Raconte-nous comment l’idée t’est venue de faire une telle maquette:
«Je vais essayer de faire au mieux pour vous donner une idée du
parcours de la maquette de l’église de Rio. Alors? Par où commencer? (un temps
de réflexion et François reprend). Au printemps 1958, j’avais 16ans, j’ai
construit, pour occuper mes après-midis, une petite pagode népalaise en utilisant
uniquement des allumettes. Le résultat fut, on va dire, sympathique. C’est là
que l’idée de réaliser une maquette -une grande cette fois- a commencé à germer
dans mon esprit. Rapidement, j’ai pensé à l’église du village. Je l’ai toujours
trouvée belle. Je l’ai toujours admirée. Comme j’en parlais à une de nos
voisines qui observait ma petite pagode, elle me répondit d’un air moqueur:
«J’aimerai bien voir ça!». Je n’hésitai pas à prendre ma décision. Aussitôt, je me mis au travail. Très vite, j’ai compris
que je me devais de respecter les règles élémentaires de solidité de la
maquette: les proportions, l’échelle etc., etc. Du coup, je me suis rendu
compte que le support prévu était beaucoup trop petit. En effet, chaque détail
devait occuper l’espace qui devait être le sien dans l’ensemble réalisé pour
que la structure reste cohérente. Avec quelques astuces et je pense, un peu de
réflexion, j’ai toujours trouvé des solutions et c’est ainsi que mon affaire
démarra.
Mon premier but fut de commencer à dessiner sur un carnet les détails
du « bâtiment » point par point. Tout y passait: portes, fenêtres,
rosaces, clocher, toitures ….Cela m’a pris beaucoup de temps, j’allais
m’asseoir sur le seuil de chez M. DUCHEMIN, avec crayons et cahier. Je
prenais les mesures, un œil fermé, bras tendu
me servant de mon pouce, comme je
l’avais appris en classe de dessin, notant tout dans les moindres détails. Ça
en valait la peine, car je ne savais pas
à ce moment là que je ne terminerai pas ma maquette en Algérie, mais en France.
Cette construction me prit beaucoup de temps (de 1958 à 1963). Il fallut faire appel à ma famille, mes voisins,
mes amis pour amasser les allumettes indispensables à la réalisation de la maquette. Et, en possession des
« matériaux » et des « plans » que je m’étais fabriqués, je
commençai les « travaux ». Sur le périmètre que j’avais tracé, les murs
ont commencé à s’élever et les détails ont trouvé peu à peu leur place. Pour
les parties les plus délicates à
installer, comme les toits, par exemple, j’ai dû improviser et poser une charpente faite de
planchettes. Elles servaient de support aux allumettes qui en l’occurrence firent
office de tuiles. Dans ce cas particulier, les allumettes étaient collées sur
l’arête et non à plat, contrairement aux autres parties de la construction.
Un autre point délicat fut la rosace à cause de ses formes rondes. En
effet, si on essayait d’arrondir une allumette, elle cassait. La solution en
fait, était simple: il suffisait de les mettre à tremper pendant quelques heures,
et elles s’assouplissaient. On pouvait alors les « forcer » et leur
donner la courbe nécessaire sans les casser.
Bien sûr, tout ne fut pas simple. La maquette inachevée quitta Rio
Salado dans un conteneur. Elle arriva plus que dégradée : DÉMOLIE! Il m’a fallu
quasiment reconstituer mon église! Heureusement, j’avais mes croquis pour
m’aider!
Au départ d’Algérie, je n’avais pas encore réalisé la partie supérieure
du clocher, comme vous le montre la photo prise en France. Mes petits dessins,
et une carte postale de l’église sont venus à mon secours. En 1963, dans mon
village d’adoption, j’ai pu terminer -enfin!- la maquette de notre belle église
(la vraie bien sûr), Mon pari était gagné : j’avais réalisé mon rêve.»
J’ai demandé à François de nous donner quelques renseignements supplémentaires concernant cette magnifique œuvre d’art. Puis, je l’ai remercié au nom de tous les Saladéens pour cette réalisation vraiment très réussie de notre belle église SAINT MICHEL.
Sur le plan technique
voici quelques détails:
* Épaisseur des murs: 3 allumettes minimum.
*
Épaisseur
au niveau du clocher: entre 4 et 7
allumettes.
*
Vitraux:
papier hygiénique teinté à la peinture à
l’eau
*
Découpe:
des dizaines de lames de rasoir.
*
Colles
utilisées:
– gomme arabique en morceaux
de chez M TISSINIER,
– tubes de colle Scotch de chez M. SANCHEZ,
– colle à bois
blanche M. Bricolage,
* Nombres d’heures passées: 3000 heures environ.
* Nombre d’allumettes: 55000 environ.
Un grand merci à mes fournisseurs d’allumettes usagées.
*La maquette a été exposée 5 fois:
– 4 fois
à SAINT CÉRÉ dans le Lot dont une fois à la MAISON des CONSULS, lieu officiel d’Expo.
– 1 fois
à MORANGIS dans l’Essonne (ville qui
à offert la vitrine d’Expo)
Et François s’en est retourné dans son village où il exerce outre la fonction de maire adjoint, et celle, à la grande joie des habitants, de directeur dans différentes activités.
La maquette, elle, a changé d’horizon. Gérard LAMBERT et André BLASCO sont allés la chercher chez François, afin de la déposer au CENTRE de DOCUMENTATION HISTORIQUE sur L’ALGÉRIE (C.D.H.A) d’Aix en Provence. Ernest REYNE, président de l’AMICALE du RIO SALADO les y attendait. Danielle LONG prit les photos. Replacer la protection en verre fut un problème vite résolu. Et la magnifique maquette de François, un petit morceau de notre village, est maintenant au C.D.H.A où elle y séjournera pendant longtemps, exposée aux regards des visiteurs.
Le lien ci-dessous vous transportera au CDHA qui a réceptionné la maquette.
http://www.cdha.fr/leglise-saint-michel-de-rio-salado-au-cdha