FLASH Special : notre guerre de 1914-18.

          Bonjour tout le monde! Me revoilà parmi vous, prête à vous emmener faire un nouveau plongeon dans le passé. Aujourd’hui, nous n’irons pas à la rencontre de nos deux derniers édiles. Figurez-vous que, par le plus grand des hasards, par pure coïncidence, appelez cela comme vous voulez, j’ai en ma possession une banale boîte en carton plein de… « petits trésors », comme  dit Jean-Claude. Ces petits « trésors » sont des cartes postales. Attendez ne vous emballez pas! Ce ne sont pas n’importe quelles cartes postales. Celles-ci datent des années 1914-18. Années de la Grande Guerre. Et écoutez-ça: écrites par des jeunes gens de 20ans et plus, domiciliés à….RIO SALADO. OUI! Domiciliés à RIO SALADO! Je ne vous raconte pas d’histoires. Voyez l’heureuse coïncidence, comme il me plaît à dire: alors que nous venions de « rencontrer » ces Délégués Spéciaux qui avaient contribué à la création et à la bonne marche de notre village, voilà que nous arrive cette banale boîte en carton pleine de cartes postales oubliées depuis un siècle, et qui rappellent que les administrés de Joseph MILHE POUTINGON étaient en route ou déjà au Front, prêts à se lancer dans la Grande Guerre. N’est-ce pas fantastique? Et attendez la suite! Les expéditeurs de ces courtes missives sont, pour certaines d’entre elles, envoyées par de futurs arrières-grands-pères, et arrières-grands-oncles. Je vous avoue  que c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai parcouru les quelques mots écrits au dos des cartes. Elles étaient destinées, la plupart du temps, à la famille, aux amis et surtout  à M. François MACIA, forgeron,  boulevard national à Rio Salado.  Elles  étaient signées: Paul AVIZOU, Jules JACOBIN, Albert MACIA, Constant KRAUS, Vincent CARDONA, Raymond RIERA, Joseph ARACIL, Paul ARACIL, Antoine ARQUERO, François STARCK, Joseph CAHUZAC, François RODRIGUEZ, Albert TISSINIÉ, Gabriel DE SALAS, Marcel ANTON, Diego PASCAL, Manuel ANDREU, Michel MARTINEZ, Auguste DEGOURNAY, ROSELLO (sans prénom) et un certain  HENRI sans patronyme. Et d’autres  encore dont la signature était illisible, effacée par plus de 100 ans d’existence. Tous ces jeunes Saladéens étaient cantonnés  à MARSEILLE, SAINT DIZIER, STRASBOURG, BIZERTE, MILIANA, ALEXANDRIE, SALONIQUE….. Ils appartenaient au 33ème Régiment d’Artillerie Lourde, au Régiment de Territoriaux, à l’École des Mécaniciens 2ème compagnie basée à LORIENT, à la 1ère Escouade du 3ème Zouaves de SÉTIF, au 9éme tirailleurs, au 6ème Groupe d’Artillerie d’ AFRIQUE. L’un était infirmier, un autre mécanicien à bord du cuirassier VOLTAIRE, un autre sapeur-mineur dans la 19ème Batterie du Génie….Vous comprenez mon émotion! D’ailleurs, je dois vous confier que, pendant de la préparation de ce texte, ils étaient tous autour de moi. Par discrétion, je ne vous donnerai pas les textes de ces missives. Je me contenterai de vous dévoiler certains passages puisés dans toutes ces lettres étalées devant moi:

       « TOUL, 4 décembre1914: Je vous fais savoir que depuis que  je suis arrivé ici à TOUL, j’ai juste eu 2 jours de soleil, il pleut tous les jours, ça ne vaut pas le bon soleil que nous avions en ALGERIE. Je vous fais savoir aussi que tous les jours on nous fait piocher comme des marocains, et plus de 4 fois on nous traite de …, moi, je croyais qu’ici nous étions en FRANCE» 

       « JERRYVILLE, 22 mars 1915...C’est à une distance de 1600km que je t’envoie de mes nouvelles et pour te dire que j’ai eu un voyage long et pénible mais en récompense  nous sommes beaucoup mieux qu’à ORAN nous sommes avec un régiment de territoriaux tous de corses et très chics…..

       «LEMMOS, 22juillet 1915….me voilà à LEMMOS. Tu parles d’une traversée pour la première fois que je monte en bateau. Nous nous sommes embarqués le 13 juillet et nous sommes arrivés hier à midi, huit jours en pleine  mer, que de l’eau et le ciel. Juste en arrivant près de LEMMOS nous avons aperçu beaucoup d’îles italiennes et grecques …On est arrivé depuis hier. Nous sommes amarrés  au milieu du port. Mon ami, si tu voyais les bateaux qu’il y a, incroyable! On ne peut pas les compter et tous dans le port. Hier sont arrivés 3 bateaux anglais bourrés de troupes anglaises et ils sont comme nous sans débarqués…enfin c’est triste pour nous territoriaux…

     « ALEXANDRIE, 9 décembre 1915… Voilà, nous sommes ici à  ALEXANDRIE. Je commence à en avoir assez. Je reçois des nouvelles de mes frères ainsi que de tout le village. Nous  sommes que moi et MANOLO qui a été conduit ici après avoir été blessé aux DARDANELLES…..»  

      « MOSTAGANEM, 20 janvier 1916...j’ai reçu ta carte qui m’a fait un réel plaisir de savoir que la marche-crève-marche est toujours ……ici on ne se fait pas de mauvais sang. Si tu voyais sortir en ville avec le sabre et avec la culotte rouge et les épaulettes! Se mos los amos del pueblo…….»

      « Philippeville 1916….me voilà à Philippeville. On  nous a habillés et on ressemble à des guignols. On rigolait rien que de nous  voir les uns les autres. Il y a une bande de bleus de FRANCE qui sont plus bêtes que leurs pieds. Nous sommes une bande d’Algériens et nous rigolons plus que ceux de France….

       «MARSEILLE,  9 novembre 1917 …Je suis arrivé à MARSEILLE hier à 3h. Nous avons eu la mer un peu agitée en sortant d’ORAN. Mais ça n’a pas été bien long. Nous n’avons pas vu de sous-marins que c’est l’essentiel. Enfin ça a bien marché. Mais toujours ce maudit cafard qui passe à chaque instant dans mon esprit. Ah! Quand est-ce que cette maudite guerre finira . Ce soir je prends le train pour LYON puis de là sur le FRONT. Enfin, patience et courage…….»  

       «LORIENT, 2 avril 1918……la présente pour vous dire que j’ai reçu  ce matin 3 colis : la mona les gâteaux et la charcuterie. Les culottes, je les recevrai plus tard car par la poste ça met plus longtemps. Pensez la joie que j’ai eu en recevant ces trois colis  à la fois……»

       «SAINT DIZIER, 6 juin 1918 ….aujourd’hui, nous avons repos pour laver et pour prendre une douche. A l’instant, on va prendre une douche d’eau chaude……»

       « SAINT DIZIER, 8 juillet 1918….je viens de finir de souper. On avait du riz et j’ai mangé la boite de thon. Elle était excellente. Ne m’envoyer plus de conserves je peux en acheter ici. En terminant ma carte, je vais avoir un maillot de football. La revanche de l’autre fois : les algériens avec les francaouis. Mais sûrement c’est les algériens qui vont gagner…..»

      «PAMIERS, 18 juillet 1918:… je suis à l’hôpital, j’ai été blessé et enterré par un obus. La blessure n’est pas trop grave…..»        

      «GOUVIEUX, 3 novembre 1918 …Je suis à quelques km du FRONT. On attend du renfort pour monter en ligne. Depuis le 24 octobre, je n’ai plu de nouvelles d’Albert…»

      « ARZEW,…..depuis quelques jours je suis sans nouvelles d’ALBERT. J’ai reçu une lettre de Paul AVIZOU me disant que votre fils ainsi que JOUVE et ANDREU sont partis de L’ORIENT… Nous sommes également sans nouvelles de mon frère depuis 25 jours, et par conséquent très inquiets…»

      Et voilà, une autre étape de notre voyage à RIO qui  prend fin.  J’ai rangé, avec une pointe d’émotion, les cartes dans leur boite. Contente de vous avoir fait partager la visite de nos poilus venus à notre rencontre  nous « dire » leur angoisse, leur joie, leurs espérances, leur humour pendant cette Grande Guerre . Je dois vous dire que j’ai été heureuse de les sortir de l’oubli. Tous sont revenus  de leur « caserne du 9ème Cousous », du  » dépar. des éclopés »,  de leurs 4 années de guerre, dans notre village. Je l’ai vérifié en fouillant  les archives de l’ Amicale.

       Les cartes de nos POILUS SALADÉENS ne tomberont pas dans l’oubli. Elles iront rejoindre tous nos « souvenirs » au Centre de Documentation Historique sur l’ Algérie d’ AIX en PROVENCE, où d’autres se chargeront de les « réveiller » de temps en temps au grès d’un travail de recherche.