A Rio, dans les années 40, rien ne me faisait plus peur que le corbillard. Au son inquiétant du glas, tout le village s’arrêtait de travailler et saluait sur le passage de cet attelage tout de noir vêtu. Même le cheval était caparaçonné de pesantes tentures sombres avec des garnitures dorées. Ma peur s’accentuait à la vue du cocher lui aussi tout en noir avec un chapeau bicorne sur la tête. En outre, c’était un nain au port altier et digne, conscient de sa tâche. Ce qui ne faisait qu’augmenter ma panique. Bien souvent, je me suis surpris à m’enfuir devant un tel spectacle. Mes nuits suivantes étaient peuplées de cauchemars où ce nain avait une place importante.
Plus tard, le corbillard hippomobile devint automobile : plus de cheval, plus d’attelage, et donc plus de nain. Le progrès montrait ses effets. Pourtant qu’elle ne fut pas ma surprise de retrouver, quelques années plus tard, dans ma propre maison, Manuel, notre nain, recueilli par mes parents. Je n’avais plus l’âge d’avoir peur mais je ne pus empêcher mes souvenirs de refluer.