8ème balade: la MAIRIE 1949-1958.

1ère PARTIE: LE VILLAGE EN 1949: Gontran MILHE POUTIGON

Nos promenades, dans nos villes d’adoption, étant compromises, confinement oblige,  nous avons la possibilité d’aller une fois de plus à la rencontre de notre passé. Alors, je bats le rappel, comme le faisait Charlot  DAVOS, en frappant énergiquement sur un tambour, en criant bien fort pour me faire entendre:

« Avis à la population: À vous tous qui avaient suivi mes « flash-back » , je vous propose de repartir dans le RIO SALADO des années 49-50, histoire d’ oublier pendant quelques instants, le monde chaotique où nous vivons. Notre 12éme édile, M Gontran  MILHE POUTINGON  nous y attend ».

Fin de l’annonce, roulement de tambour…..

Allez! Je vous emmène? Etes-vous prêts à me suivre? Préparez-vous. L’embarquement est immédiat. Nous amorçons  notre remontée dans le temps. Je vous emmène dans le RIO SALADO des années « dorées » ou « bénies ». Nous sommes en 1949, Monsieur Agnel BERNARD  vient de se retirer.  Les « années  guerre »  s’estompent. La vie est belle!Les Saladéens se préparent à élire un nouveau maire. Robert TINTHOIN (ex-directeur des archives d’ ORAN) a écrit:

« De 1919 à 1952, les représentants politiques de la commune ont été élus parmi les possédants du sol qui ont fait de RIO SALADO une petite ville coquette et cossue ».

Il y eut donc des élections! Inutile de vous dire qu’il y eut des querelles de clocher qui divisèrent le village pendant cette période où Rio se préparait à élire son nouveau maire. Ce fut Gontran MILHE POUTINGON, petit-fils d’Alexandre MILHE POUTINGON, adjoint spécial de 1881 à 1884, fils de Joseph MILHE POUTINGON, maire de 1900 à 1905 qui remporta la « bataille » dans ce petit village « coquet et cossu ». Je vous rappelle  que   nous l’avions « côtoyé »  lorsque nous avons admiré le blason de RIO placé près de la porte d’entrée de la mairie. Pour vous présenter ce Grand Monsieur, écoutez ce que son ami François RIOLAND pensait de M. MILHE POUTINGON (N.D.R.L : fiche signalétique de RIO SALADO ECHO de L’ORANIE 1970):

          « L’homme de RIO…Non, il ne s’agit pas du film illustré par Jean Paul BELMONDO, fils de notre compatriote Paul Belmondo, mais d’un bâtisseur. Du tempérament de ceux, nombreux, qui ont fortement marqué leur passage à la tête des vivantes communautés rurales de notre ORANIE .

Je veux évoquer le père POUTINGON, comme on disait là-bas,  sans que cet éloge puisse diminuer en rien l’action constructive de ceux qui avant ou après lui,  administrèrent RIO SALADO. Les longues années pendant lesquelles il dirigea sa commune, avec des lieutenants compétents, lui  ont permis de façonner la cité. Non seulement à l’image d’homme intègre, dynamique, enthousiaste et envieux du bien être de ses administrés. (….),  il savait rendre hommage à quiconque préconisait la construction, la fondation de telle œuvre d’intérêt général. Et cela restera une tradition au conseil municipal de Rio… Des amis, dans cette accueillante cité, j’en avais de tout bord. J’en ai connu, alors que j’étais adolescent. Ils ont quasiment tous disparus…..mais il en est un que j’apprécie pour une foule de raisons: bon cœur, rouspéteur comme un mousquetaire, bon vivant, malin comme un singe, en deux mots aimant la vie et en cela il n’avait pas tort…..>>

Voilà le portrait de Gontran MILHE POUTINGON, maire de notre village qui occupa la mairie de 1949 à 1958.

Reprenons notre lecture: Ce que François RIOLAND a écrit  va vous transporter sans ménagement, dans ce RIO qui fut, soyons chauvin, le village où se déroulait les plus belles fêtes. Ces fêtes encore présentes dans un coin de notre mémoire, et dans celles de pas mal de jeunes des environs,  venus s’amuser et danser. Savez-vous qu’ à cette occasion  les Chemins de Fer Algériens (CFA) mettaient en marche des trains ORAN-RIO et AÏN TÉMOUCHENT-RIO, aller -retour, lors de nos fêtes locales?

Oui, m’sieurs, dames! Vous avez bien entendu : « Des trains pour les fêtes locales de RIO ! ».   La Gazette d’AÏN TÉMOUCHENT vous le confirmera. Mais revenons aux propos de M. RIOLAND. Rapprochez vous!

«…on avait aussi, à RIO, le culte des fleurs. Un peu plus quand même que celui de l’exagération…»

 Aïe! je vous explique ce coup de griffes amical de M. RIOLAND. Les mauvaises

 langues des villages voisins nous prenaient pour les champions de l’exagération. Je me demande pourquoi? On racontait, qu’à RIO, un représentant de piano s’était vu commandé un piano « à deux queues » parce que  son voisin venait d’acheter un piano avec une queue! Ben voyons!! Certains vous affirmeront que l’anecdote est véridique, Pensez donc! Pardon? Vous disiez? Bien sûr que je connais l’histoire des pinces à sucre! Des ragots! Et si  ce monsieur avait eu 6 enfants en âge de se marier? Normal qu’il veuille acheter 6 pinces à sucre? Je vous le dis: jalousie! Propos malveillants  des mauvaises langues des villages voisins!

Ceci étant éclairci, je referme la parenthèse et je reprends la lecture du texte de François RIOLAND !

« Les pionniers, enfants du soleil du MIDI ou de l’ESPAGNE, eurent , il ne pouvait en être autrement, une descendance plus ensoleillée encore. Cité exubérante,  mais vivante à plus d’ un titre, par exemple à l’heure des vendanges, à l’occasion de la fête patronale, d’un match de football, des bals publics ou d’autres festivités qui rassemblaient toutes les populations environnantes. Parfois également, en période d’ élection -SACRÉ BOURG!!- (sans jeu de mots),  l’un des lieux les plus coquets de notre ORANIE, sorti d’une terre  ingrate, inculte depuis toujours devenu  une magnifique entité dotée de toutes les nécessités d’une grande cité, et ce sur tous les plans, culturel, social en particulier, commercial, industriel, artisanal, sportif »

Que vous disais-je? Sans exagération aucune, notre RIO valait son peson d’or. Monsieur RIOLAND, qui n’était pas saladéen, le reconnaissait! M. MILHE POUTINGON fut un maire remarquable!

Après  tous ces éloges où vais-je vous emmener? Assister à un match de foot qui finissait la plus part du temps  par un match de boxe? Une kermesse des plus colorées? Peut-être une rencontre de basket âprement disputée?   Je ne vous parlerai pas des fêtes de CARNAVAL. Vous pouvez les retrouver sur le site. Alors, peut-être devrions-nous assister au concours de gymnastique qui se déroula à TLEMCEN ?  Ou aller admirer les prouesses de la jeunesse saladéenne à la grande kermesse sportive de monsieur CERNA? Non! Finalement, je préfère vous parler de  ces fêtes locales  qui  forgèrent la renommée de notre village, et  marquèrent les années  où M.MILHE POUTINGON administra notre village. N’êtes-vous pas de mon avis? Fermez les yeux un instant! Vous avez entre quinze et vingt ans. Nous sommes fin septembre, les vendanges tirent à leur  fin. La dernière remorque, pleine à ras bord de raisin noir, roule rue du cimetière vers la cave de Jaïme SALVA. Une nuée de gamins chahuteurs, plus téméraires les uns que les autres, la poursuivent essayant de s’agripper aux ridelles pour y chaparder quelques grappillons de ce raisin noir tout gluant de jus sucré qui coule sur la chaussée. Les mouches, que le sucre attire, nous tourmente. L’air chaud de cette fin d’été est saturé de senteurs où se mêle l’odeur des orangers en fleurs du jardin JACOBIN. Heureux temps! Mais hâtons-nous. Les festivités  ont commencé.

  • NDRL : concernant l’album photo ci-dessous, il suffit de cliquer sur une des photos pour que celle-ci apparaisse en grand. De chaque côté, des flèches donnent le sens accordé au passage des autres photos.

     

   2ÈME PARTIE: la fête du village.

 AH! Ces fêtes ! Quel bonheur! Le village est paré de mille  lumières. Un article de notre journaliste Émile Garait paru dans l’ECHO D’ORAN vous donnera une idée de l’ampleur de la fête: 

« Des fêtes toujours plus éclatantes – …..La richesse de l’éclairage, et l’excellence de la musique qui sont les deux principaux éléments d’une grande et belle fête, trouveront en nos murs, leur pleine application. Comme par enchantement le square Milhe Poutingon Joseph, va se parer d’une toilette diamantée. Sur toute la longueur de la route nationale, des colliers de brillants aux facettes miroitantes accueilleront les hôtes de notre centre. Les jardins de la place seront garnis d’étranges fleurs lumineuses  ainsi nos fêtes qui possèdent à un haut degré, l’estampille de la magnificence, vont émerveiller, au plus haut point, les oraniennes et les oraniens qui seront reçus dans les règles de l’art».

Les villageois en famille commencent à affluer. La fête foraine s’est établie autour de la place, et bat son plein. La chenille, installée sur la place de l’église Saint Michel, hurle de plus belle, annonçant le déploiement de cette toile qui va recouvrir sièges et occupants, et la fera ressembler à une grosse chenille ondulante. Vous entendez les cris affolés ou joyeux des « voyageurs » pris sous la toile? Plus loin,  les carabines tirent sur des silhouettes qui ne font que passer. Là-bas, des enfants s’agglutinent autour du bassin pour une pêche miraculeuse.  Excusez-moi une minute, je viens d’apercevoir la charrette de MINGO. Je vais aller m’offrir un PIROULI. Vous en voulez un, peut-être? Vous ne savez pas ce qu’est un pirouli? Ne cherchez pas sur votre smartphone. Pirouli est typiquement espagnol et veut dire sucette. Je vous avoue: je préfère pirouli d’autant plus   que MINGO les réussit très bien. Disons que le pirouli est en Oranie ce que le berlingot est à Carpentras. Poursuivons notre balade. Regardez là-bas, en face de la crémerie, le clou de la fête foraine: la baraque de Manolico BERNABEU. Approchons-nous. Justement Frédou, un des frères de monsieur BERNABEU, chante et imite Maurice CHEVALIER. Simone, vous en parlera mieux que moi. Mais le temps passe, et l’heure du bal approche. Regardez autour de vous. Admirez les toilettes des belles saladéennes. C’est la FÊTE!!!! Allons du côté de la place. Elle a été transformée en piste de danse. Cette année, nous sommes gâtés : deux scènes se font face, décorées de branches de palmiers, et de lampions, œuvre de monsieur DESSEAUX et de son équipe. Deux orchestres  vont faire  danser petits et grands, jeunes et vieux.  Celui d’André FARRUGIA  et celui  de BOB ROLLAND, tous deux venus d’ALGER. Je vous dois un complément d’informations: c’est monsieur Jean  PEREZ, Jeannot pour les amis, conseiller municipal, chargé de l’organisation de ces journées,   qui a retenu ces deux formations. Mais vient se greffer la-dessus une fantastique surprise: monsieur Perez a appris, par le plus grand des hasards, que Luis MARIANO, le chanteur de « la belle de Cadix », séjourne à ALGER. Après un rapide Conseil Municipal réuni en catastrophe, et, avec l’accord de tous les élus, Jeannot PEREZ et Gontran MILHE POUTINGON, se rendent à ALGER, dans l’avion d’Yvon MILHE POUTINGON  et réussissent à convaincre le chanteur de MEXICO, de venir chanter à  RIO. Le contrat, me raconta Albert RICO, stipule que nous aurions droit à 14  des meilleures « tubes » de son répertoire. Imaginez un instant, notre  joie! Quel régal d’entendre « en live », comme disent les jeunes, toutes ces ritournelles: « Rossignol « , « Maria- Luisa« , « C’est magnifique« …. Tout le village est là, les yeux rivés sur l’idole, applaudissant à tout rompre. Ouf!!! Quelle journée!! Cela s’est passé lors de  la première mandature de Gontran MILHE POUTINGON.

Il nous faut maintenant nous séparer. Vous avez quartier libre. Continuez à vous promener à votre guise, dans les méandres de votre mémoire. Peut-être pourriez-vous me rappeler un évènement que j’aurais oublié ?

Un dernier rappel toutefois. Par la suite, RIO dansa au rythme des orchestres plus fabuleux les uns que les autres. J’ai eu du mal à retrouver tous les noms de ces formations. J’ai appris cependant, que l’orchestre de Mario ROSSI vint animer les réjouissances à deux reprises. Je peux aussi vous affirmer, article faisant foi, qu’en 1953, l’orchestre d’Eddie WARNER fit un tabac. J’ai su aussi que, monsieur PEREZ avait sollicité Xavier CUGAT pour les festivités de l’année 1956. Vus les moments troublés  que vivait l’ALGERIE, et le couvre-feu établi sur tout le territoire, les transactions furent annulées. De plus les événements survenus dans sa famille: l’accident de voiture qui coûta la vie à son fils Richard, monsieur PEREZ se retira du Conseil municipal. Messieurs René CARDONA et Louis ROSELLO prirent la relève. J’ai cru comprendre que  1956 avait été la dernière année où RIO fêta ses vendanges. Je n’en sais pas plus.

NDRL : concernant l’album photo ci-dessous, il suffit de cliquer sur une des photos pour que celle-ci apparaisse en grand. De chaque côté, des flèches donnent le sens accordé au passage des autres photos.

                      Ouverture d’un Nota Béné: 

En raison de l’émergence de souvenirs à l’occasion de l’évocation des fêtes de notre village, il nous est apparu judicieux d’ajouter un N.B. au présent article.

1° Souvenir de Jean-Paul VIDAL : incidents sur les autos  tamponneuses.

Les vendanges achevées, le village tout entier célébrait sa grande fête, celle qui attirait la grande foule des cités voisines alléchées par la renommée de l’événement. Nous avions alors entre seize et dix-sept ans et comme tous les adolescents, nous adorions les attractions foraines. Nous faisions le siège des  auto-tamponneuses; des hordes de jeunes gens se pressaient autour de la piste dans une atmosphère bruyante et joyeuse, agrémentée par les flots de musique des manèges voisins, et le parfum des  confiseries mêlées aux  odeurs de friture, et de grillades!!! Vous n’avez pas oublié ces nuées successives qui envahissaient la piste avec l’espoir de s’installer aux commandes des ces bolides, de vraies cavalcades me rappelant des vols étourneaux s’abattant sur des oliviers!!! Jean-Claude accompagné par M.C avait réussi à se glisser dans un véhicule. Le courant électrique rétabli, il se lança à la poursuite  des voitures évoluant sur la piste d’où s’élevaient  une multitude d’exclamations joyeuses et de rires éclatants. Soudain un grand cri précédé d’une profusion d’étincelles  jaillissant du sommet  et de la base de la perche située à l’arrière de l’auto pilotée par Jean-Claude, immobilisa  les conducteurs. Jean-Claude qui avait place son avant-bras  contre la perche, regardait ébahi  son bras. Une vive brûlure au poignet lui fit réaliser  que sa gourmette en or avait fondu après contact avec la perche. Le « trafic automobile » fut immédiatement interrompu pour venir au secours de notre ami.

 Pour lui, la fête s’acheva là!                                                         

Ayant pris contact avec lui pour raviver cet épisode lointain de notre jeunesse, je compris que mon appel avait fait ressurgir des souvenirs qu’il avait enfouis au plus profond de sa mémoire.  Cette mauvaise blague n’avait eut aucune suite sinon le regret du forain propriétaire de l’attraction  et une cicatrice sur son poignet. Il m’a confirmé qu’il conservait précieusement les fragments de sa gourmette, récupérés après l’incident. Que s’était-il passait ? Un faux contact? Une mauvaise installation? cela ne nous troubla pas outre mesure l’incident était clos et la fête continuait.

                                                     Jean Paul VIDAL

2° Souvenir de C. CASTILLON : Le SAUT dans les ÉTOILES avec la « STAR » de la FÊTE.

            (La STAR ou le SABOT était un manège installé devant chez M. Duchemin, le photographe de Rio Salado).

               A l’époque, je devais avoir 10 ans, et ce manège, pour moi, était très impressionnant avec son pied central, et ses bras verticaux se balançant en sens inverse, l’un par rapport à l’autre.

               Lors d’une des fameuses Fêtes des Vendanges de RIO qui durait trois jours, je regardais le « Sabot » fonctionner et .j’imaginais les impressions que devaient ressentir les amateurs de sensations fortes, installés dans la nacelle lancée à vive allure. C’était le dernier soir de Fête, tout le monde désertait la place du village, regagnant leur maison, fatigué mais satisfait. Pendant ce temps les forains eux, avaient fort à faire: tout démonter pour libérer la place, les trottoirs, le travail reprenant le lendemain.

                Il était tard, et nous rentrions chez nous, tout en haut du village, et ce fut à ce moment là que réalisant que la « STAR » ce manège qui me fascinait tant, allait partir; alors il me prit une envie irrésistible d’y monter. Quelle drôle d’idée diriez-vous ? Et j’avais envie de monter sur le « SABOT ». Alors tout d’un coup j’éclate en sanglots, mes parents inquiets me demandent ce qu’il m’arrive ? Pourquoi ce chagrin ?  J ‘étais inconsolable, n’osant rien dire, finalement après de multiples questions j’avouais en pleurs:  » Je veux monter dans la STAR ? « 

     Après un moment d’étonnement mon père me prit par la main et,nous retournâmes vers la place. Mon père accéléra le pas et tout confiant je le suivais, sûr, j’allais monter dans mon manège!  Autour de la STAR, les ouvriers s’activaient, déboulonnant les pièces C’était la catastrophe ! La fin de mes espérances ! Mon père s’adressa au patron, plaidant ma cause. Ce dernier, de prime abord refusa, la magie des soirs de fête opéra très vite, je ne sais pourquoi….Et, l’instant tant espéré arriva. On me plaça dans la nacelle, bien sanglé, quelques consignes encore, mais tout allait bien, j’étais prêt et confiant nul ne pouvait me troubler.

Attention au départ! et, la machine se mit en route avec un grand bruit de crémaillère et de plus en plus vite. Ni le bruit, ni la vitesse ni cette sensation de pression qui me collait au siège, ne me fit peur. Et hop ! la machine stoppa en haut ! Je savourais cet instant magique, la tête en bas; personne sur la place du village: » j’étais seul, seul au monde ! »

          Je n’oublierai jamais cet instant merveilleux , plein de magie ! Puis lentement la machine redémarre et ça tourne, et ça tourne ! Un dernier arrêt en haut pour le plaisir d’un petit garçon, c’est formidable ! Et le va et vient du sabot diminue puis se calme pour finir sa course et s’immobiliser.

J’étais comblé ! Un employé vint me dégager de cet engin extraordinaire. Il me regardait comme un phénomène de foire. Quand à moi je savourais ma joie ne disant mot, mais ce silence et mon regard en disaient long.

Encore aujourd’hui je les remercie du fond du cœur pour leur geste, et c’est à mon père que va toute ma tendresse et mes remerciements.

Lentement afin de faire durer le plaisir, accroché à sa main que je serrais très fort, nous nous dirigeâmes vers notre maison, non sans jeter un dernier coup d’œil à ce manège autour du quel les ouvriers s’activaient.

         La « STAR » un passage éphémère dans la vie de l’ enfant que j’étais.Mais quel Souvenir!!!!!!

3ème souvenir de Simone BERNABEU-ROL : la baraque foraine « Maison Bernabeu ».

Je vais relater, ou rappeler aux plus anciens une anecdote survenue
lors d’une fête du village. Chaque année, mon père et mes oncles
Vincent et Frédou installaient leur baraque devant notre crémerie.
C’est ainsi que l’on désignait le glacier chez nous, située entre le café
Davos et la quincaillerie Heuman. Parmi les lots exposés sur les
rayonnages, figuraient les classiques services de table,d’autres objets
décoratifs et plus singulièrement la fameuse poupée Capi qui était
annoncée ironiquement au micro, pour les rimes, » la poupée qui fait
caca et pipi ». Il existait d’autres lots plus convoités tels les
cyclomoteurs ou les bateaux pneumatiques.
Lors de mon retour à Rio Salado en 2006, l’occupant de
l’ancienne maison de mes parents m’a présenté une soupière
provenant d’un lot gagné à la baraque et conservé précieusement en
parfaite état pendant plus de 40 ans. Quelle surprise émouvante!
Les saladéens, et bien d’autres, se souviennent que les
forains Bernabeu ne se limitaient pas à vendre des billets de loterie
mais ils produisaient du spectacle, surtout comique. Ainsi ils
amusaient fréquemment leurs admirateurs en caricaturant, sur
l’interprétation musicale du Barbier de Séville de Rossini (Figaro ci-
Figaro là) la séquence d’un barbier agité, rasant de manière très
loufoque son client apeuré, sur la tête duquel il renversait un seau de
mousse savonneuse.
Quelques instants après, Frédou, encore lui, enchaînait « des play
back » imitant Maurice Chevalier (Prosper), et surtout Yves Montand
(« C’est si bon » et « Les grands boulevards »). Et mettant à profit ses
dispositions athlétiques, il swinguait sur l’air de « A l’heure de la
récréation » qu’il terminait en faisant le grand écart.
D’autres fois, il apparaissait, vêtu d’une robe rétro, déguisé
en jeune femme galante tenant entre les doigts un interminable fume-
cigarette pour plagier une ancienne chanteuse, Nina Jo, dans « Du feu »
qu’il avait interprété par ailleurs, lors d’une de nos soirées au Palais

de la Mer à Valras. Inspiré par les facéties familiales, mon frère Serge,
benjamin de la troupe, ne tarda guère à entreprendre les siennes sur
la même scène que ses anciens. Dans un de ses premiers numéros,
il se présentait affublé d’une perruque genre professeur Tournesol, et
pour mimer la chanson « En Jouant de la Clarinette » il s’
accompagnait d’une vraie clarinette que mon père lui avait offerte.
Un soir, alors que la fête du village battait son plein, la
plupart des danseurs avaient déserté la piste de danse , au grand
dam de l’orchestre, pour assister au spectacle de la Troupe Bernabeu.
Malgré leur sucés, ces artistes durent écourter à regret leur
représentation pour inciter, de manière élégante, leurs fans à
retourner danser.
Nos fêtes échappaient à la banalité et se distinguaient
évidemment grâce à la célébrité de  » Nos  » orchestres. »
Alors, la seule évocation du nom de notre village à la plupart des
Oraniens suffisait pour qu’ils associent d’emblée Rio Salado à ses
fêtes qu’ils qualifiaient d’incomparables.
Je vois déjà la moue, peut-être même un brin d’indignation chez
nos amis de villages voisins, me reprochant mon manque
d’objectivité.
On peut admettre aussi qu’il n’y ait là d’excessif que la nostalgie de
cette époque pétillante de bonheur que nous partagions dans une
ambiance comme nulle part ailleurs.

  

4ème souvenir de Jadette : la course à l’oie.

       La course la plus impressionnante, qui attirait de nombreux spectateurs, était sans contexte LA COURSE À L’OIE. Le jeu consistait à décapiter d’un coup de sabre, une oie suspendue à un  gros cordage traversant le boulevard national.

          On renforçait  le cou de la volaille,  préalablement tuée cela s’entend, avec un fil de fer. L’oie ainsi armée, était suspendue au câble, qui suivant les années se trouvait arrimé au balcon de l’Hôtel de France à celui de l’appartement situé en face,  juste au-dessus du bar de Mr SERRANO (Café Ralenti pour les initiés). D’autres années, le câble partait du balcon de Mr Louis KRAUS, en haut de la boulangerie de M. CLAVERIE, et rejoignait un mât planté en face à l’entrée de la place publique.

Le jeu était réservé aux plus téméraires de nos jeunes gens. Le vaillant cavalier, armé d’ un  sabre, juché  sur le plateau arrière d’une camionnette lancée à « grande vitesse, » (40km/h) devait envoyer « valdinguer » le corps de la bête. La camionnette, la vieille FORD, de M.KRAUS, était pilotée par Paul.

 Nous avions nos champions :

Roger GIMENES, Néné RODRIGUEZLéon GOUAULT, Camille POVÉDA, et bien

d’ autres dont les noms m’ échappent…

Il fallait beaucoup d’adresse, de force et d’équilibre pour asséner un puissant coup de sabre à l’oie,  en se tenant seulement d’une main à une corde fixée à la camionnette,  et cingler  l’air et la bête avec le sabre. Le but du jeu était de détacher le corps de l’oiseau, laissant le cou pendouiller lamentablement, se balançant au bout du fil de fer.

Jeu barbare, me direz-vous ! J’en conviens. Mais pas plus qu’une course de taureaux!

Ce tour de force ne se réussissait pas du premier coup. Un seul passage était toléré.

         Et pendant toute la durée de l’exploit, les spectateurs ou les curieux encourageaient ces cavaliers des temps modernes de cris, de sifflets, retenant leur souffle au moment crucial et éclatant en applaudissements quand l’oie se détachait semant une pluie de gouttes de sang et de petites plumes arrachées.

La course finie, le sabre était confié à la garde de Néné RODRIGUEZ, qui le rangeait    dans le laboratoire d’œnologie de M.GARAIT, sur une étagère, où il attendait la prochaine fête.

5ème souvenir de Simone BERNABEU-ROL : la femme araignée.

Huguette, la « femme araignée ». Archive de l’amicale du Rio Salado.
« La femme araignée » encadrée par le magicien-ventriloque KARDEX et Simone BERNABEU.
archive de l’amicale du Rio Salado..

       

22 réflexions sur « 8ème balade: la MAIRIE 1949-1958. »

  1. J’ai frissonné tout au long,de cet épisode, avec ses commentaires et ses photos de notre époque. Notre jeunesse,tout Rio a défilé. Ainsi que les anciens, initiateurs du village.
    Bravo Jadette.Tu as grand mérite.
    Félicitations et grosses bises.

  2. un formidable voyage souvenirs a jamais enfouis dans nos mémoires
    une enfance mémorable au cotés de mon père ,enterré dans sa terre aimée

  3. Salut, Jadette . A Rio, l’épopée de Luis Mariano , c’était avec Janou et non pas avec Janot PEREZ. Bises.

  4. Que d’émotion à revoir cette foutue chenille installée au bout de ma rue avec sa bâche qui se rabattait sur ses arceaux et ma cousine Yvette toujours aussi belle que dans mes souvenirs !!!

  5. Bonsoir Jadette,
    Encore une fois merci de nous replonger dans ces années heureuses de notre cher village. Tout est dit et bien dit! Et puisque que tu les cites, je dirai que tes articles sont comme les piroulis de Mr Mingo ils finissent trop vite. On en veut encore !!!!

    Seul un petit doute dans la légende d’une photo. Il s’agit me semble-t-il de Luis Mariano et non Marciano.
    A bientôt, j’espère.

    1. René, et vous André, Robert et Thierry qui avaient visité notre site, et participé à la balade, merci pour vos bons témoignages. Cela m’ encourage à vous emmener promener dans les rues de RIO SALADO. Et, mon bon Ami René, une de mes institutrices de l’école primaire te dirait que je suis toujours aussi « tête en l’air ». Tu as raison: bien sûr! il s’agit du fameux Luis Mariano!!! Alors à bientôt!
      Jadette SALVA.

  6. Ces photos en noir et blanc de la fête à Rio sont magiques!
    Merci Jadette de faire revivre ces beaux souvenirs.

    1. Je suis contente, Nadia, que vous soyez sensible à ces vieilles photos. C’est le but de notre Amicale: empêcher que tous ces beaux souvenirs ne tombent dans l’oubli.

  7. Jadette
    Je suis heureuse que tu continues « en descendant le boulevard ». Tu en es à la 8ème balade.
    J’apprends énormément en te lisant sur notre cher village. De belles photos sont jointes. Quel régal! Et comme c’ est plaisant à lire.
    Dans les commentaires, il est question de la chenille (n’était-ce pas les « montagnes Russes » ??? Ou alors je me trompe!!!). Je pense n’y être montée qu’une fois et j’ai eu presque la « gomitera ». Aussi, je n’y suis plus montée…
    Ce qui me plaisait particulièrement ceux sont les autos tamponneuses. Avec les copines et les copains, nous y passions beaucoup de temps. Quelle rigolade! Et aie! aie! aie! le dos en descendant. Si ma mémoire ne me fait pas trop défaut, il y en avait à la fête du village .
    Je me souviens aussi d’une espèce de cabine d’avion qui tournait. Et, arrivée en haut, elle s’ arrêtait un court instant à la verticale (heureusement, les passagers étaient bien attachés). Les personnes présentes à l’intérieur se retrouvaient la tête en bas. Et là, mama mia, les cris!! En arrivant en bas, certaines personnes étaient plutôt blêmes de chez blêmes. Là aussi la « gomitera » n’était pas loin …
    Mais là, peut être que je confonds de fête. Il y en avait tellement à RIO (kermesse, fête des vendanges, fête des écoles…Je dois sans doute en oublier).
    Jadette, grâce à toi, tous ces souvenirs remontent à la surface, mais ceux sont de merveilleux souvenirs .
    Encore merci Jadette pour tout ce travail, ne t’arrête pas en si bon chemin.
    BRAVO
    Michelle Chorro

    1. Bonjour Michelle. Je te remercie pour ce commentaire très imagé. Il va me permettre d’ajouter un complément à mon article, suppléments d’ anecdotes et de souvenirs qui vont l’enrichir. Mais je voulais te dire qu’il s’agit bien de « la CHENILLE ». Je ne me souviens pas de « Montagnes Russes  » ou du « Grand 8 » dans nos fêtes à RIO. Par contre, « l’espace cabine-avion » dont tu parles, notre regretté ami, Camille CASTELLON, m’en avait parlé. Tu retrouveras son récit en N.B à la fin de mon article. J’ai ajouté aussi un « reportage » de Jean-Paul VIDAL concernant un incident survenu sur les autos tamponneuses, qui te rappellera de bons souvenirs je pense. A+

      1. Je t’avoue humblement Michelle , que tu avais raison, il y avait bien un manège qu » on appelait le « GRAND 8″comme tu le mentionnais dans ton commentaire. Regarde dans l’album de la 2eme partie de la balade: photo 25/54 les familles SEROIN, LOZANO et ROBERT accompagnées de Jeanne descendent à vive allure sur un wagonnet du « GRAND 8″. Lucie DETORRES, Yvette POVEDA, Mathilde DAVOS et Yvette DETORRES sont installées dans un compartiment de  » la CHENILLE  » ( photo 24/54). Merci Michelle de m’avoir rappeler ce manège oublié.

  8. La kermesse allait ouvrir… J’entends encore dans la brise du soir bruisser les centaines de moulins à vent et autres décorations papier … Ça sentait bon les brochettes, les merguez et la melsa de Kaddah… J’étais avec ma sœur, Anne Marie, assis sur un banc quant un grand noir de l’orchestre Eddy Warner nous aborda. Il parlait espagnol car il était cubain… Plus tard, il chanta « Stormy Weather » et bien d’autres morceaux comme « Unforgetable« . Je me suis tchalé car j’adorais le jazz! Ma mère tenait un stand où elle vendait des œufs finement peints par elle: des merveilles! L’anisette coulait déjà et tout le monde s’agitait. Moi, assez timide, j’attendais nos batailles de pistolets à eau… Mon père était à son stand de débit de boissons avec Pierrot Seroin et Fiston Warnery . C’était chaud!! Dans l’air, flottaient encore des odeurs de jus de raisin qui faisait chuinter les pneus sur les routes tièdes …la fin de vendanges nous rendait optimistes. Mais jusqu’à quand?

    1. Bonjour Paul. Bienvenu parmi nous!
      Ton commentaire est trop « riche »! Emporté par tes souvenirs, tu nous promènes des Fêtes des Vendanges aux Kermesses. Je te comprends, chaque années, nous avions la joie de participer à ces deux belles manifestations. Dans cette « balade », je vous ai emmenés aux des Fêtes des Vendanges avec Gontran MILHE POUTINGON. Lors de la prochaine « balade », nous suivrons Madame BOUR et l’Action Catholique du village. Quant aux Kermesses, où ta maman eut une part active, je compte sur toi pour nous parler des ouvrages et autres objets qui étaient exposés à la vente dans les stands. Heureux temps! N’est-ce pas, Paul?

  9. Et aller! Un peu plus le bourdon! Mais quel plaisir de retourner dans le passé et de revivre tout ça avec les personnes qui ne sont plus là. Que nous avons passé des bons moments!
    Jadette, continue à nous faire revivre tout ça et surtout pas de pause. Le jardin est fini. Jacques au fourneau et toi à l’ordinateur!!
    Merci pour tout ce que tu fais pour nous, les Saladéens.
    Grosses bises.
    Daniele.

    1. Stimulant et sympa ton commentaire, Danièle! Avec l’aide de Vous Tous, j’essaierai de continuer à évoquer les souvenirs de nos années passées à RIO. Mais , s’ il te plaît, ne propose plus à Jacques de faire la cuisine!

  10. Bonsoir Jadette,
    Merci de nous ramener ces années heureuses qui ont précédé le drame. Nous dansions sur un volcan*!
    Mais ceci est une autre histoire…
    Voici une anecdote à ce propos que je n’ai pas vécue mais entendue raconter. Peut-être un de nos amis lecteurs pourra confirmer.
    Un de ces orchestres prestigieux qui ont fait la renommée de nos fêtes, accompagnait cette fois-là d’une accorte chanteuse qui, en se démenant sur la scène, fit sauter les bretelles de son soutien-gorge et laissa apparaître accidentellement une opulente poitrine à la grande joie des danseurs.
    Le téléphone arabe dut bien fonctionner puisque, le lendemain, la place fut occupée par une foule descendue des douars voisins, persuadée que l’épisode faisait partie du spectacle et devait se renouveler.

    1. Cette truculente anecdote, que je ne connaissais pas, nous a fait rire. J’ai imaginé la Place du village le lendemain, dans l’attente de l’attraction! Je te remercie, Jean Claude de nous aider à enrichir les souvenirs évoqués dans nos articles.

  11. Bravo Jadette. Merci de ce récit alerte et plein de vie comme d habitude. Je me propose de les faire lire à mes enfants pour qu’ils connaissent mieux et d’une manière plaisante la vie de « là-bas ». Mieux, bien mieux que je ne pourrais le faire moi-même. Et en plus, ils y retrouveront tous les noms de notre famille qui ainsi retrouveront vie!

  12. Merci, Michel, je suis très sensible à ton commentaire, il illustre bien le but que l’ Amicale s’ était fixé en créant ce Site: permettre à nos jeunes de découvrir les us et coutumes de notre village.

  13. Chère Jadette, je n’étais pas venue faire un tour sur ce lieu de mémoire ô combien précieux pour plusieurs générations de Saladéens et suivantes dont la mienne ! Je suis émue de revoir ma maman, Pierrette Sanchez, si jeune aux Fêtes de Rio 1953 (ou 54 ?) danser avec son fiancé de l’époque, Jeannot Vargas.
    Elle ne s’est pas mariée avec lui (heureusement sinon je ne serai pas là) mais avec mon père, Dominique Eppherre, un beau militaire basque venu en Algérie dans cette époque troublée. Leurs 67 ans de mariage, c’était il y a deux jours.
    Même si les souvenirs de Pierrette aujourd’hui se sont enfuis, elle a eu le temps d’en partager de nombreux avec ses enfants avant. Un patrimoine immatériel inestimable…
    Je t’embrasse fort.
    Marie Dominique

    1. Bonjour, Marie Dominique. Heureuse de te « revoir » parmi les amis saladéens.
      Vois-tu, nous essayons, par nos faibles moyens, de rester fidèles à notre ligne de conduite : maintenir en vie le souvenir de notre RIO SALADO.
      Bises affectueuses.
      Jadette.

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