Les artichauts sauvages.

Je joue à la dînette avec Jacqueline Sicard.
Elle a un vrai réchaud en métal décoré, d’une vingtaine de centimètres de hauteur, autant en longueur sur dix de large, avec deux feux. Quand on actionne un bouton, le feu concerné fait des étincelles. C’est bon ! On va pouvoir faire des frites. Mais je sens encore l’âpreté de ces pommes de terre dégustées crues. Etincelles décevantes. Par contre, l’entrée est une régalade. Des artichauts sauvages, arrachés ou plutôt « décanillés » à coups de bâtons le long du mur de la cave. C’est que leurs tiges filandreuses ont poussé sur la terre chaude et asséchée. Mais une fois la récolte faite, les feuilles piquantes délicatement retirées et la barbe ôtée, nous dégustons avec plaisir les cœurs de ces beaux chardons au goût d’artichaut.
Le lait caillé.
Il fait tellement chaud que le lait s’est caillé dans le réfrigérateur. Maman est désolée, elle voulait nous faire du riz au lait. Mais « pas grave » dit papa « le lait caillé égoutté et sucré c’est très bon ! Et quand j’étais gamin on buvait aussi le petit lait. » Depuis j’aime le lait caillé mais pas ce liquide aigrelet au fond duquel plonge le caillé !
Les melons suspendus.
Ce sont de beaux et gros melons ovales à la peau verte zébrée de jaune ou bien tout jaune. Leur chair est presque blanche. Pour les conserver jusqu’à Noël et pouvoir les consommer sans soucis, ils sont suspendus au plafond d’une chambre sombre, à l’abri de tout rongeur trop gourmand.
Les figues chauffées au soleil.
J’ai huit ans ; je dois « faire la poussière » …et donc, je vais très régulièrement secouer le chiffon dans le jardin, sous le figuier, c’est mieux pour déguster-en cachette- les figues mûres à point chauffées par le soleil de dix heures du matin !
Vendanges et grapillons.

C’est à la fin de l’été que débutent les vendanges. Mais c’est bien après que les remorques de grapillons sont déversées dans le pressoir.
Et je suis là, à « grappiller » moi aussi quelques grains. Ce sont les meilleurs ! Noirs, flétris, presque secs et en même temps si tendres, si onctueux et tellement sucrés. Avec ce goût si particulier, plus du tout celui du grain frais juteux mais presque alcoolisé. Ce raisin de fin de vendanges est réservé à la fabrication des apéritifs.
Saindoux et oignon tendre.
Plus d’une fois, en rentrant de la plage, le goûter s’est composé soit d’une tranche de pain tartinée de saindoux avec un soupçon de sel ou bien d’une tranche de pain huilé à l’huile d’olive, salé, accompagné d’un jeune oignon frais aux feuilles vert tendre. C’est bon !
La « torta ».
J’aime bien aller chez Miloud et Abdelkader, car leur maman, toujours avec un sourire tendre, nous offre un morceau de son pain, ce pain au blé couleur bistre qu’elle fait elle-même. Il est rond et plat. De la taille d’une petite assiette. Il a si bon goût.
Les pommes de terre bouillies.
C’est bientôt la fin, on ne trouve plus de viande dans le village. Maman pose sur la table du déjeuner un grand saladier de pommes de terre bouillies. Elles ont encore la peau. Pour la première fois de notre vie, avec Gilbert, mon frère, nous goûtons aux pommes de terre à l’eau et nous trouvons cela tellement bon avec un peu de beurre que maman fond en larmes. Elle pour qui un repas ne se fait pas sans viande.
Les jujubes.
Je suis dans un champ avec papa. Au loin une ferme. Papa prend un fruit sur un petit arbre épineux et me le fait goûter. Ce fruit a la forme d’une olive, de couleur un peu brune piquetée de rose. Un peu spongieux, son goût me plaît vraiment. – « C’est quoi ? – C’est une jujube ». (Cette année, il y aura beaucoup de jujubes sur l’arbre planté dans mon jardin de ST Romain depuis près de 30 ans.)
Et oui ! Je plante des repères…)
Fleurs du littoral oranais en avril 2018.