10ème balade (2ème partie) : la route d’ HAMMAM BOU ADJAR.

Alors, cette visite au marché a-t-elle était agréable ? Qu’avez-vous trouvé ? Des lavettes en alfa ? Des champignons de fenouil ? Des épices ? Une paire de babouches, peut-être? Bien ! Tout le monde est là ? Pouvons-nous reprendre notre balade ? Ah ! Ah ! Je regrette de vous décevoir,  nous n’allons pas au cinéma VOX aujourd’hui ! Pour l’ heure, nous continuons notre promenade sur la route d’ HAMMAM BOU ADJAR. Ah ! Cette route ! Elle me rappelle de bien mauvais souvenirs! Nous en parlions encore dernièrement avec Gérard.

« Tu t’en souviens ? Dire qu’ils n’avaient pas encore 17ans !»

Rapprochez- vous ! Il faut que je vous raconte, écoutez ! Ils  étaient nos copains depuis des années ! 

Nous nous retrouvions  le dimanche après-midi, tantôt chez les uns, tantôt chez les autres, pour les surprises-parties Nous ramenions l’unique tourne -disque de la bande et les tout premiers 45Tours de l’époque que nous possédions,  et que l’on passait deux ou  trois fois dans l’ après-midi : « l’Étranger au Paradis  » de Gloria LASSO , « Graine de Violence » de Bill Haley    en autre.  

                             

Archive de l’amicale du Rio Salado.

Et puis, en cette fin de l’été  où les vendanges  occupaient une bonne partie de la population, Richard PEREZ -une branche de la grande famille des PEREZ- reçut de son père, l’ordre de conduire un de leurs ouvriers dans l’ AUSTIN familiale  jusqu’à leur cave  de TURGOT.   Profitant de l’ occasion qui s’offrait de faire une belle balade, Richard embarqua l’ouvrier et cinq amis: Christian GARRAIT, Louis et Jean-Jacques LAMBERT, Paul et Jean GALLARDO . L’ouvrier débarqué, pourquoi ne pas aller jusqu’ à la plage ? Quelle bonne idée ! Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà nos amis  sur le chemin de TURGOT PLAGE. Une visite de convivialité à  Madame GRANDEL à la Joyeuse ESCALE, puis une autre de courtoisie au CASINO où  ma mère, les connaissant tous,  les accueillit très mal. Ils n’avaient pas 17 ans !

Archive de l’amicale du Rio Salado.

Retour à RIO. Richard au volant, Christian, devant avec Jean assis entre eux deux. A l’arrière, Jean Jacques, Paul et  Louis. Je vous entends :vous avez raison ! Richard n’avait pas le permis. Aucun d’entre eux d’ ailleurs. Mais au village,  pas mal de garçons conduisaient la voiture paternelle bien avant l’âge autorisé. C’était une coutume rentrée dans nos mœurs. Aussi, arrivés à RIO, la joyeuse bande, décida d’aller dire un petit bonjour à HAMMAM BOU HADJAR, le village à côté ! Et voilà nos amis  roulant sur cette route où nous nous trouvons. Ils étaient en vacances. Il faisait beau ! Ils étaient les rois du monde !

Hammam Bou Hadjar (Archive de l’amicale du Rio Salado).

Hélas ! Le retour fut moins heureux ! Était-ce une minute d’ inattention ? Un mouvement malheureux ? « Jean a affirmé  qu’ils ne roulaient pas vite » m’a répété Gérard.  Après le virage, à hauteur du transformateur, que s’est il passé ? Nous ne le savons pas !  L’AUSTIN a fait une embardée, a failli faire un tonneau, s’est rétablie à la dernière minute, secouant brutalement les passagers. Louis éjecté de son siège, se retrouva sur la route. Jean, Paul et Jean-Jacques complètement assommés. Pour Richard et Christian, l’aventure s’arrêtait là. Quelques jours plus tard, toute la bande de filles et garçons, en pleurs, les accompagnaient au cimetière ! Ils n’ avaient pas encore 17 ans !   

Dans le bulletin paroissial du 3 Octobre 1956, l’abbé PLENIER publiait l’article suivant :

«Au début du mois, les familles Jean PEREZ et Lucien GARAIT ont été cruellement éprouvées par la perte de leurs enfants Richard et Christian tués dans un accident d’ auto. Ce  double décès a provoqué une vive émotion dans la ville de Rio Salado, à cause de son  caractère brutal, et surtout en raison de la sympathie et de l’ estime dont jouissaient les enfants et leurs familles. Une foule nombreuse et recueillie a suivi les funérailles et les services funèbres. »

Archive de l’amicale du Rio salado
Richard PEREZ et jean-Jacques LAMBERT (Archive de l’amicale du Rio Salado)
Christian GARAIT – Blondine VALERO- Arline ABELA-
Jeanne LAMBERT-Chantal LLOPIS (archive de l’amicale du Rio Salado)

Et nous voilà, maintenant en vadrouille, au bord de cette route d’HAMMAN BOU ADJAR! Désolée d’avoir assombri votre promenade, mais comment oublier de tels     souvenirs ! Permettez-moi de respirer un grand coup et continuons notre visite.                 

  Nous sommes toujours devant  la porte d’entrée de madame PEREZ. Un peu plus loin, derrière nous, vit Fernande  CARMONA.  Justement voici sa sœur Annie  qui arrive. Suivez-moi, s’il vous plaît. Voici la maison  de   M. et Mme BOUZINAC : un couple âgé , sans enfant. M. BOUZINAC , il y a pas mal de temps, avait  une distillerie, quelque part dans le village, mais avec l’ âge …!

Plus loin, Mercedes et sa sœur sont devant la porte de leur épicerie. C’est une petite échoppe qui dépanne bien les ménagères alentours et fait le bonheur des gosses du quartier lorsqu’ils ont quelques petits sous à dépenser. Encore quelques pas,  nous voici devant le perron de mon amie et cousine,  Arlette PERES. Et oui ! Que voulez-vous ! Nous étions tous plus ou moins cousins à RIO SALADO ! Mais avec Arlette, c’est différent. Je ne vous raconte pas des salades. Nos grands-parents étaient frère et sœur !  Venez, entrons ! Nous serions mieux dans la cour. Arlette nous attend ! Je vais vous présenter la famille de Louis et Antoinette PERES, les parents.

Louis et Antoinette PERES, Paulette et Ptit Louis, Arlette, O LEGAT,Brigitte PERES, Margot LEGAT. (archive de l’amicale du Rio Salado)

Là-bas, dans cette habitation , P’tit Louis , l’aîné, et son épouse Paulette SORIANO qui n’est pas saladéenne.  P’tit Louis est allée la « chercher » à TEMOUCHENT. Mais nous « l’aimons » quand même… Ne vous offusquez pas, les Saladéens ont la réputation d’être un peu orgueilleux. Il y a des mauvais langues qui disent que nous étions des prétentieux. N’importe quoi!  Ces malfaisants colportent même des histoires de pinces à sucre, et de piano à queue. Pure méchanceté ! Il faut reconnaître quand même que nous avions le plus beau village de la région. Que dis-je : de l’ ORANIE !   Vous n’êtes pas de mon avis ? Allez le demander à notre ami René d’ ABIDJAN !  Continuons notre visite.  De ce côté-ci, Arlette et Brigitte nous ont préparé une surprise. Zut! J’ai oublié de vous présenté René, le second garçon de la famille. Je m’ en excuse : René n’est pas là. Il est sur un chantier, il conduit  la machine à défoncer.

(archive de l’amicale du Rio Salado)

Il faut que vous sachiez que M. PERES Louis et son frère Joseph, Pépico pour les amis, que nous avions rencontré boulevard National,  possèdent des machines à moissonner,  à dépiquer et  à défoncer. Machines qu’ils parquent au « Dépôt » : un grand entrepôt sur la route de la gare. Regardez à gauche, vous voyez, le grand hangar, là au fond de la cour. Il est devenu trop petit pour remiser les engins. Alors, il sert d’hébegement  les ouvriers saisonniers que Louis et Pépico PERES embauchent pour la durée des moissons et du dépicage. Ces ouvriers  viennent du SAHARA. Chaque année, ils ramènent à Brigitte,  une corbeille de dattes venant tout droit d’une oasis  de leur région. D’ailleurs, un plat de dattes est à votre disposition  . Gouttez-les!  Charnues, fondantes ,sucrées ! Un vrai délice !   

    (archive de l’amicale du Rio Salado)      
         

                                     

Bon, il serait temps de repartir . Je tiens  à vous faire découvrir  une curiosité architecturale, qui se trouve  pas très loin de  la maison de Louis PERES toujours sur cette route d’ HAMMAM BOU ADJAR.

    Tenez, la voilà!   Vous pouvez l’apercevoir maintenant. Nous nous sommes  promenés dans les rues de  Rio, nous avons pu admirer de très belles demeures de tous âges, de tous styles.

 
    (archive de l’amicale du Rio Salado)   

Regardez cette dernière villa. Elle est unique. Construite sur pilotis. Pas d’ arrondis.  Seulement des  formes rectilignes. Et d’ immenses fenêtres ! Cette villa me fascinait. Lorsque j’en parlais,  on me répondait : « c’est une maison  LE CORBUSIER». Encore fallait-il savoir qui était ce monsieur!

La villa SAVOYE, oeuvre de Le Corbusier (tiré de GooGle)

Cette maison si particulière  appartient à Huguette et Francis CARREGA. Madame CARREGA m’a dit que son architecte s’est inspiré de la villa SAVOYE, qui se trouve à POISSY près de PARIS, et qui est l’œuvre de l’architecte LE CORBUSIER.

La famille Carrega et leurs épouses Henri, Andrée,Huguette, Malvina, François et Francis.   (archive de l’amicale du Rio Salado)

Je vous laisse vous promener dans ce jardin si original. Je vous retrouverai la prochaine fois sur la place Jules FERRY. C’est promis : je vous emmènerai au CINÉMA VOX. Et, merci  de m’avoir suivie!

11 réflexions sur « 10ème balade (2ème partie) : la route d’ HAMMAM BOU ADJAR. »

  1. Encore une très jolie promenade, si ce n’est le tragique épisode survenu à vos amis dont Titou parlait quelques fois. Merci Jadette. Tu as l’art de conter! C’est très intéressant de découvrir votre environnement, votre art de vivre et tous ces personnages de votre jeunesse heureuse.

  2. Bravo a toi Jadette et à toutes celles et ceux qui ont contribué à cette balade si sympathique que nous devons tous garder dans nos cœurs. Je t’embrasse.
    Paul lozano

  3. Jadette, tes commentaires me replongent au Bled, à la plage et quand j’étais « Monaguillo » avec l’Abbée Plenier (dans les enterrements entre autres) ! Continue à nous faire rêver et Merci !

  4. Cet accident avait semé la consternation à Rio en cette fin août 1956 et je m’en souviens particulièrement car Christian Garait était un de mes condisciples au lycée Lamoriciere. Il s’apprêtait à faire sa rentrée en 3me et n’avait pas encore 15 ans. Un magnifique Garçon blond plus grand que tous les autres. Après son accident il avait regagné sur ses jambes son domicile pour tomber peu après dans un coma irréversible. En fait il avait fait un hématome extradural typique qu’on aurait diagnostiqué et opéré de nos jours.
    Paix à son âme !

  5. Ma chère Jadette.
    Que d’émotions dans ton récit !
    Cette balade dans la rue d’Hamman Bou Hadjar m’a replongée dans des souvenirs à la fois heureux et dramatiques.
    L’accident de nos amis a marqué nos vies. On ne peut pas s’empêcher de pleurer 67ans plus tard.
    D’autres événements tragiques se sont déroulés dans cette rue également et pourtant j’ai vécu une adolescence heureuse dans ma maison avec mes parents, ma sœur Brigitte et mes frères Louis et René.
    Merci Jadette, Jacques et Joseph pour le travail que vous accomplissez, c’est un plaisir de revoir notre village.
    Bises à tous
    Arlette

  6. Hello!Hello! Jadette un peu de modestie ! Es-tu oublié le beau village d’Er-Rahel ?😀. Merci pour cette jolie balade à travers les routes qui nous sont si chères au cœur d’où qu’elles soient. Bises

  7. Merci Jadette pour cette balade pleine d’émotions!
    Tristes souvenirs ce terrible accident de Richard mon cousin et Christian . Quel drame !
    J’ai toujours la vision du cercueil de Richard au milieu du séjour de ses parents et les obsèques ensuite. Mes parents étaient près d’eux. .
    Voir les photos dans la cour de chez Arlette avec ses parents et leur tante Olga quelle joie !
    Je me voyais aussi arpentant leur maison et la cour. Antoinette et Olga les cousines de mon Papa !
    Bravo Jadettte pour tout ce travail.
    Bisous à tous.
    DENISE

    deni

  8. Bonjour mes ami(e)s,
    Je me souviens bien de ce jour funeste. J’avais eu dans la matinée un examen de contrôle au lycée pour passer de 3ème en seconde. Mon père me ramenait à Rio. Après m’avoir demandé comment cela s’était passé, il resta un long moment silencieux, le visage sombre, les yeux rivés sur l’asphalte. Il finit par reprendre la parole:  » J’ai une bien triste nouvelle à t’annoncer: ton ami Christian vient d’être victime d’un accident de voiture. Il a été tué dur le coup ». Cette bien triste nouvelle m’affecta beaucoup parce que Christian faisait, avec André Palomo, parti du petit cercle de mes amis intimes. Nous restâmes silencieux jusqu’à l’arrivée au village.
    A un âge que l’on peut qualifié maintenant d’avancé, il m’arrive encore d’avoir une pensée pour lui.

  9. Chère Jadette, à propos de Christian Garait, je me souviens avoir entendu souvent Pierrette évoquer ce drame. Sa famille était liée aux Garait par sa tante « Margot » (mariée à Manuel Sanchez, frère de son père). J’ai en ma possession une photo scannée prise sur la plage de Turgot où l’on voit Pierrette Sanchez avec Yvette Garait et son petit frère Christian (un blondinet d’une dizaine d’années) et un autre petit garçon (non identifié mais qui n’est pas mon oncle Pierre). Dis-moi si tu veux que je te l’envoie par mail (il me semble que ta famille est également liée aux Garait, non ?).

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