EN DESCENDANT le BOULEVARD : 4ème balade.

1-Balade Boulevard national 4

Et si oubliant tous nos soucis, nous repartions faire l’école buissonnière? Ce serait une bonne idée, n’est-pas? Nous en avons besoin! Allez! Au diable nos ennuis. Retrouvons notre âme d’ enfant! Préparez-vous, je vous emmène vous replonger, pour quelques instants, dans les années insouciantes de notre jeunesse. Suivez-moi, nous allons explorer une autre partie de notre boulevard.

Nous avions laissé Jean-Claude et ses amis en pleine guerre apache. Regroupons-nous sur le trottoir devant les galants de nuit du jardin de la villa CARREGA. Sur votre gauche, vous pouvez voir, à travers les balustres du mur d’ enceinte, la villa de Camille RICO. Étrange architecture que cette villa. Rien de comparable avec les autres résidences. Est-elle de style andalous? Ou arabo-andalous? Je ne sais pas. Mes notions en matière d’ architecture sont très limitées. Il m’est arrivé d’y être aller avec ma sœur. Je me souviens d’une montée d’escaliers carrelée de faïences bleues, et d’un jardin qui m’enchanta. Laissons là Henriette, Annie, Camille, Georges et Sophie Rico et traversons le boulevard, voir ce qui s’y passe. Jouxtant le bar DAVID. Voici le Syndicat Agricole. Vous ai-je dit que M. Jean SEROIN, président de la cave coopérative de notre village, avait nommé M. MIRALLES Manuel pour la gestion du bureau? Claude BERTRAN et par la suite Marie-Christine AMAT le secondèrent. Ce syndicat, en autre chose, distribuait aux coopérateurs les produits nécessaires à l’entretien des vignes. A côté, le magasin d’électricité de M. Louis AMAT, Josiane, Louis et Madame Amat vaquent à leurs occupations. Quand à Monsieur AMAT, il est prêt à vous venir en aide en cas de besoin.

Faisant angle avec la rue Manuel ANDREU, voici l’épicerie de Tana TIRADO et de sa nièce Filoména BROTONS, deux vieilles filles sans âge, toujours vêtues de noir. Oui! comme nos grands mères. Toutes deux, tantes de Cécile RODRIGUEZ. Écoutez la suite! Un rideau métallique fermait l’épicerie. Vous souvenez-vous du bruit de ferraille que faisaient ces rideaux lorsqu’on les abaissait? Dans le village, par respect pour le défunt, les rideaux se fermaient les uns après les autres lors du passage d’un cortège funèbre. Nous habitions tout près de l’épicerie de Tana et Filo. Aussi ce vacarme en pleine journée nous appelait sur le devant de notre porte, pour voir passer le corbillard qui emmenait un saladéen vers sa dernière demeure. Cécile me raconta que ce maudit rideau en fer, troubla le boulevard lors d’ une noce. Oui! Lors d’ une noce! Vous vous rendez compte du scandale! Rapprochez-vous. Ecoutez mon histoire. Nous sommes aux environs des années 1903- 1904, peut-être 1905. Tana est à cette époque une belle jeune fille qui voulut, par ce vacarme inconvenant, dire son désespoir: le jeune marié et Tana s’étaient jurés un amour éternel. Mais voilà, ce serment n’était pas du goût des parents du jeune homme. Que voulez-vous en ce temps là, les parents avaient tous les droits! Cette fille n’était pas un « parti » pour leur fils! Il ne restait plus à Tana que les yeux pour pleurer et le grincement du rideau pour dire sa douleur . Tana traîna sa peine toute sa vie!!

Allez souriez! Oublions cette triste histoire! Tournons le coin et engageons- nous dans la rue Manuel ANDREU. Vous passez maintenant devant la deuxième porte de l’épicerie de Tana, puis voici la maison de Léon Marseille. Vous entendez ces enfants dans la cour de Marguerite et Léon Marseille? Luce, Paul, Yves et Jean-Pierre Seroin ont sûrement rendu visite à leur tante Marguerite . Continuons notre progression. A côté, la cour de M. LE MAGOUROU : un atelier immense où l’on remettait de l’ordre dans le secteur électrique de votre voiture. N’allons pas plus loin. Passons sur le trottoir en face et retournons au boulevard. Mais avant, arrêtons-nous. Rentrons quelques instants dans la droguerie de M. NAVARRO.

Attention! Vous avez trois marches à descendre. Un matin, mon père fatigué de m’avoir dans ses jambes, m’envoya chez M. NAVARRO acheter un « bidon d’huile de coude ». Bon! Ça va! Pas de ricanements s’il vous plaît! J’étais jeune, et j’ai appris à mes dépens que l’huile de coude ne se vendait pas! Continuons notre balade. Mais quel est ce tapage? Quel chahut! Pas d’ affolement: « Aqui viené el senior BUSCA RUIDO! ». Vous ne connaissez pas M. BUSCA RUIDO? M. CHERCHE BRUIT!!! Je vous avais dit que les Saladéens étaient d’aimables moqueurs! Lorsque M. BUSCA RUIDO prenait son véhicule, son chien sautait à l’arrière, posait ses deux pattes avant sur l’habitacle du camion et, par jeu ou pour signaler à tout un chacun leur passage, il aboyait à perdre haleine, sortant le village de sa torpeur quelque soit l’heure. D’où un vacarme pas possible de moteur pétaradant et d’ aboiements de chien. Il y a quelques années, lors d’une de nos « réunions-amicales », un jeune homme vint me parler d’un livre: « Vous me connaissez, me dit-il, je suis le fils de M. FERNANDEZ». Désolée! Je ne voyais pas. Alors il ajouta: « Mais ouiii! Je suis le fils BUSCA RUIDO!»- « Ah! Bien sûr! Le fils BUSCA RUIDO! ». Je connaissais M. BUSCA RUIDO, pas M. FERNANDEZ! Ah! ces Saladéens!!! Des farceurs! je vous le dis!

Ce boulevard national était le point névralgique du village. Il s’en passait des choses! Mariages, enterrements, défilés de Carnaval, et les promenades quotidiennes à la sortie du travail. On venait « faire le boulevard » avec les amies… Mais surtout, il a vu passer de très belles choses notre boulevard. Je ne vous parle pas de jeunes filles, mais de voitures! Le pouvoir de notre imagination est tel que je vous emmène illico, rencontrer Yvon LOZANO. Il évoque pour nous ces années nostalgiques 1920-1930 et les belles automobiles qui sillonnaient les rues du village à cette époque. « De toute évidence, les habitants de RIO SALADO aimaient les belles voitures! nous dit-il. Ainsi vous pouviez apercevoir la BUICK de Michel KRAUS, la TALBOT de Quitett LLORENS, , La BUICK « IMPERIAL » de René KRAUS et celle d’ HENRI KRAUS, la FORD LINCOLN de Maurice PORTE, la SALMSON d’ André POVEDA, la MERCURY FORD de Jean LOZANO, l’HISPAO-SUIZA d’ Emile JOUVE et bien sûr l’incontournable B12 d’ Albert CLAVERIE. Et que vous dire des voitures de course que vous pouviez admirer dans la cour des frères TORRES: la BUGATI, la star des GRANDS PRIX de l’époque, et la PEUGEOT SPÉCIALE , une merveille! La réplique exacte de celle qui, dans les années 30 remporta les 24h du MANS!

RIO comptait aussi quelques Berlines BERLIET, ce nom ne vous dit rien? En effet la berline BERLIET fut une voiture « RATÉE ». L’usine fut obligée d’arrêter la production. Et devant ce fiasco, les Saladéens toujours à l’affût d’une plaisanterie, disait, en matière de publicité, en se moquant des malheureux propriétaires:« Si quires andar a pié, compraté una BERLIET»

Ça va? Pas trop de nostalgie! Bon! On peut continuer notre promenade? Tiens! Justement, les portes des magasins sont grandes ouvertes. On nous attend. Entrons dans la première boutique. Celle de M. BENSOUSSAN. Un « chapeau mou » sur la tête, toujours aimable, il nous attend devant son magasin de nouveautés De chaque côté de l’entrée deux vitrines, où le magasin BENSOUSSAN vous présente des vêtements et différents articles. Savez-vous que ce magasin fut crée à l’origine par Etienne CARREGA. Jean Claude raconte :  » Vers 1888, cet arrière grand-père monta de toutes pièces ce « magasin général ». Etienne s’occupait des produits masculins, sa femme, Alcédonie, de la mercerie, et de l’habillement. Etienne ne s’en tint pas là, ouvert aux technologies nouvelles, il se fit éditeur de cartes postales, nous lui devons la plus part des photographies de cette lointaine époque». Un grand merci à ce prévoyant grand-père! Continuons notre remontée dans le temps. Ce magasin général fut vendu en partie à M. BENSOUSSAN. Toujours raconté par Jean-Claude: «Etienne CARREGA s’installa dans l’autre partie. A son nouveau métier de négociant, il ajouta une activité de banquier: il escomptait les traites du Crédit-Lyonnais. Et, ce que son père et ses oncles appelaient  » le bureau », les anciens du village le nommaient « La Banque ». Ces locaux devinrent le centre névralgique de toute l’activité familiale.».

N’allons pas plus loin. Jean Claude me dit que l’on peut pousser la grande porte vitrée du «bureau». Suivons-le! Ne faites pas de bruit. Derrière la grande banque qui sépare ce vaste local, les comptables sont en plein travail. Ce monsieur à droite, c’est Michel CANDELA. Vous le connaissez? Le père de Michel, le cousin germain de nos amis René CARDONA et Dédé BLASCO. Le second: Antoine BLASCO, aucun lien de parenté avec André, est le papa du gamin qui joue avec François et Michel CARREGA. Et le tout jeune aide-comptable ne vous est pas inconnu: Robert MUNOZ, le frère d’Antoine, de Clémence et d’Henriette. Dans la pièce du fond, les trois frères CARREGA, Henri, Charles et Francis sont en réunion. Jean LAFFORGUE, leur beau frère, et Jules DECOR, leur oncle, viennent de les rejoindre. La conversation se terminera; comme cela arrive bien souvent, sur le trottoir. Sûrement une dernière mise au point avant de regagner leurs pénates respectives. Laissons les travailler .Merci Jean Claude!

Nous continuons notre promenade. Avançons un peu plus. Nous sommes maintenant devant la boulangerie de M. PINHEIRO. La porte est ouverte, traversons la boulangerie. Pas le temps de goûter aux baguettes cuites à point. Contentez-vous de humer cette bonne odeur de pain chaud! Et continuons notre avancée vers le four que l’ on voit là-bas. Laissons là une arrière-boutique « aveugle »où la boulangère peut prendre quelques minutes de repos. La troisième pièce en enfilade est le fournil. La pièce est bien sombre, une seule ouverture: la porte qui donne sur une cour intérieure. Le four ronfle de plus belle. Il fait chaud dans ce fournil! Une ampoule accrochée à côté d’une petite lucarne, permet d’ éclairer l’intérieur du four. Ainsi le boulanger peut surveiller la cuisson des pains. Un contrepoids que l’on bascule vers le bas maintient la porte du four, qui coulisse vers le haut. Ouverte en grand, on peut voir dans un angle les braises qui maintenant se consument doucement. Sous le four, une niche pleine de bûches prêtes à alimenter le foyer et, fixées au plafond deux barres de fer servant de support aux pelles en bois démesurément longues. Contre le mur, le gros pétrin et des sacs de farine. Une poussière blanche règne en maître dans le fournil. A Pâques nous allions faire cuire nos mounas chez M. PINHIERO. Il nous prêtait un de ces grands plateaux en bois munis de 4 poignées pour les transporter. Il les mettait à cuire après la fournée du matin. Bien souvent, en partant, mon père achetait une grosse fougasse encore chaude et moelleuse, que nous entamions avant d’arriver à la maison. Cette boulangerie appartenait à M. CLAVERIE le père d’ Albert. Il la céda à M PINHIERO et alla s’installer en face de la place. Dans les années 55-56, ce fut M. GONZALES qui occupa la boulangerie. Laissons là, les baguettes croustillantes, les gros pains dorés et passons à l’ HÔTEL de FRANCE, où nous attend René MANRIQUÉ, un camarade avec qui nous passions quelques après-midi. L’HÔTEL de FRANCE, dans les jeunes années de RIO SALADO s’appelait HÔTEL CARDONA . Madame ADAM me raconta qu’ en 1890, Vincent CARDONA, son grand-père, vint s’ installer dans le village et créa , sur le boulevard national,  » l’HÔTEL CARDONA ». Il était tenu par ses deux filles Joséphine et Henriette. Marie, l’épouse, préparait les repas. Il accueillait en majorité des représentants de commerce. La calèche de l’hôtel allait chercher les voyageurs à la gare. Dans la cour, se trouvait un ébéniste. L’Hôtel devint par la suite l’HÔTEL FIRPO. Il fut le théâtre de pas mal de festivités: des soirées données par le CERCLE des AMIS, des VÉGLIONES, des bals masqués, tout à fait réussis….puis M. MANRIQUÉ prit la suite.

Nous avons droit, je crois à une petite halte, justement allons nous attabler dans le bar situé au rez de chaussée de l’hôtel. Voilà notre troisième bar, Ami René! celui de Paul et Germaine RUIZ. Un verre de bière BAO, ou un petit café, et laissons notre imagination vagabonder au grès de nos souvenirs.

L’exploration de cette partie du boulevard n’est pas terminée, nous la terminerons demain, et nous remonterons le trottoir d’en face jusqu’au café de M REYNE. A bientôt!

2 réflexions sur « EN DESCENDANT le BOULEVARD : 4ème balade. »

  1. Bonsoir, Jadette.
    Je viens de recevoir la 4ème partie du boulevard. Tu fais ressortir des souvenirs que j’avais sinon oubliés au moins rangés dans ma mémoire. Et bien sûr, une foule d’images reviennent. Je remets des visages sur ces noms que tu évoques. Il faudra me donner plus de détails sur le rideau de fer de Tina. Je ne connaissais pas cette anecdote.
    Pour faire vivre le site, je propose cette anecdote que j’ai souvent entendue chez ceux qui étaient les vieux d’alors (aujourd’hui les vieux, c’est nous)sans pouvoir leur attribuer une paternité certifiée par ADN.
    Elle concerne Busca Ruido, Mr Fernandez Manuel (je crois). Il avait un parfait homonyme : Fernandez Manuel( ?). C’était Jumero, le pajero.
    La légende du village disait qu’un huissier de Témouchent serait venu porter une convocation au tribunal pour Manuel Fernandez. Il se serait renseigné au premier bar rencontré. Personne à Rio ne connaissait ce monsieur. Finalement, il serait allé à la mairie où Jo Viruega lui aurait dit: « Oui, je connais. Mais quel Fernadez? Bousca Ruido ou Jumero ? » Le pauvre huissier en a perdu son sabir. En désespoir de cause; il serait allé voir Busca ruido et se serait fait copieusement engueuler : ‘’Comment? Moi, Busca Ruido, convoqué au tribunal. Est-ce que je suis un bandit? Ni sis quiera !! ». Il aurait ensuite tenté sa chance chez Jumèro où il se serait aussi fait engueuler pour les mêmes motifs.
    L’histoire dit qu’il est reparti à Témouchent avec sa convocation.
    J’en propose une autre qui se situe dans le magasin de Mr Navarro qui vendait beaucoup de choses notamment des articles de pêche ( je garde l’histoire mais je l’adapte en espérant qu’elle ne choque pas car je ne me souviens pas des protagonistes).
    « Un jour, avec mon cousin André Sala, nous sommes allés chez Mr Navarro acheter des gros plombs pour les palangres.On appelait ça : des œufs en plomb.
    Mr Navarro était dans l’arrière boutique quand il nous vu il est sorti plié en deux marchant difficilement.
    André : – » Buenos dias. Tienne uds huevos de plomo? »
    Mr Navarro répondit : « No hijo son los rumatismos!!»
    Voilà, je parlerai aussi à propos des voitures de prestiges de la Packard de Joaquin Poveda conduite par Sanchiz ( le célèbre arrière du SOS). Elle a servi a beaucoup de mariages à Rio.
    Probablement encore quelques anecdotes pour te taquiner
    A bientôt
    Amicalement
    René
    Abidjan

    1. Ami René, Ami lointain! Dois-je comprendre que j’ai oublié de te répondre? j’en suis désolée! Mais ce qu’il y a de terrible, c’est que je suis certaine de t’avoir répondu: Ah! Mon Ami! Internet à ses raisons que ma raison est incapable de comprendre! Alors mille excuses! je te redis quand-même ce que je suis sûre de t’avoir écrit: que je te conterai l’épisode Tana et Filoména de vives voix. Il y a des histoires qu’on ne peut confier à ce « falso » d’ Internet. Tu ne peux lui faire confiance. Et Merci René, de te joindre à moi pour faire revivre notre village à travers les anecdotes qui ont émaillé notre jeunesse LA-BAS! A bientôt j’espère.

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